Comtesse Dracula
Bain de sang
Dans ce film de la Hammer qui n’a pas grand-chose à voir avec Dracula, Ingrid Pitt brille en comtesse Báthory de rêve et de cauchemar
Réalisateur : Peter Sasdy
Scénario : Alexander Paal, Gabriel Ronap et Peter Sasdy, d'après le livre La Comtesse sanglante, de Valentine Penrose Distribution :
Pays : Royaume-Uni |
Synopsis : La comtesse Báthory s’éprend du fils du meilleur ami de son défunt mari quand un accident lui offre un moyen inattendu de renouer avec la beauté de sa jeunesse. La noble comtesse entre alors dans une spirale criminelle qui ne peut que connaître une fin tragique
Derrière ce titre trompeur, le film n’a rien à voir avec Dracula et n’a que très peu de rapport avec les vampires hormis le sang, se cache un long métrage sur la comtesse hongroise Elisabeth Báthory (1560-1614). Cette aristocrate de haute lignée fut condamnée à être emmurée vivante lorsqu’elle fut reconnue coupable d’une série de meurtres dont les victimes, des jeunes femmes, étaient saignées pour permettre à la comtesse de rester jeune en se baignant dans leur sang. Cette figure historique a inspiré une poignée de films dont ce Comtesse Dracula mais aussi Les lèvres rouges du réalisateur belge Harry Kümel avec la remarquable Delphine Seyrig. Ces deux films sont curieusement sortis la même année, 1971 année de la comtesse Báthory. Plus récemment et dans une veine plus naturaliste et tragique on peut noter La Comtesse de et avec Julie Delpy qui interprète le rôle-titre.
Comtesse Dracula est une production de la Hammer alors que la vénérable maison autrefois innovante a perdu de sa superbe. En 1971 l’horreur gothique britannique, ce fantastique en costume, qui avait merveilleusement ranimée les monstres de la Universal (Dracula, Frankenstein et consort) était un rien passé de mode. Certes la Hammer avait encore un peu de mordant et allait continuer encore quelques années à sortir des films dont certains ne sont pas sans valeurs mais des films comme Rosemary’s Baby ou La nuit des morts-vivants avait donné au public d’autres goûts. Les années 70 ne furent pas tendre pour les britanniques. L’horreur et le fantastique étaient plus violents, plus extrêmes et davantage ancré dans le contemporain. Et malheureusement cette Comtesse Dracula n’échappe pas à ce changement d’époque même si le film est en rupture avec certains canons de la Hammer. D’abord le film ne raconte pas une histoire de vampires à grandes canines qui boivent le sang au coup de leurs victimes, non la comtesse ne boit pas de sang, elle se baigne dedans. Ensuite il n’est pas très violent. Le sang coule cependant mais le film est plus avare en hémoglobine qu’il ne l’est en décolleté pigeonnant et nudité féminine. Mais sur ce point encore les sujets d’Elizabeth II sont à la peine en regard de ce que les Italiens faisaient à la même époque dans le giallo (L’étrange vice de Mme Wardh par exemple et la très belle Edwige Fenech).
Ce projet a été apporté au studio par le réalisateur Peter Sasdy (né à Budapest en 1935, un compatriote de la comtesse), qui avait l’année précédente réalisé pour la Hammer Une messe pour Dracula, avec Christopher Lee dans le rôle du célèbre vampire. Le réalisateur eut une 1971 chargée puisqu’à côté de ce Comtesse Dracula il réalisera toujours pour la Hammer La fille de Jack l’éventreur. Il semble que le tournage ne fut pas des plus simples et que les relations du réalisateur et de son actrice principale, la splendide Ingrid Pitt (la très avenante bibliothécaire de The Wicker Man) n’est pas été des plus apaisée. Le réalisateur ira jusqu’à faire doubler la voie de son actrice à la grande colère de cette dernière. Un choix d’autant plus discutable que Pitt offre une belle performance et ce en dépit d’une réalisation terne et classique.
Ingrid Pitt, la comtesse Báthory, elle aussi n’était pas une inconnue de la Hammer. Elle avait joué en 1970 dans Vampire Lovers, le premier volet d’un triptyque inspiré par le court roman Carmilla de Sheridan le Fanu, un film dans lequel elle interprétait la comtesse Mircalla Karnstein, une vampire lesbienne, une première au cinéma. Dans le long métrage de Peter Sasdy elle livre une prestation fascinante qui donne beaucoup d’humanité à son personnage. La comtesse est tour à tour veille et jeune mais surtout elle est alternativement sexy, laide, cruelle, amoureuse, manipulatrice et vaniteuse. Elle est aussi délicieusement immorale, loin d’être une veuve éplorée ou même une épouse aimante, cette comtesse est une femme à la recherche du bonheur et de l’amour. Toutes ses actions, y compris les plus effroyables, sont motivées par cette quête.
Comtesse Dracula n’est pas un chef-d’œuvre du cinéma fantastique et d’épouvante mais c’est une œuvre singulière centrée autour d’un personnage féminin fort et ambigüe qui est sa propre victime. Il offre aussi un triangle amoureux étonnant qui dynamise le récent, la comtesse étant prise entre un vieil amant et l’attrait pour la nouveauté. Ce film est une petite tragédie qui mérite vraiment qu’on s’y arrête ne fusse qu’une fois en rêvant à ce que pourrait donner un remake outrancier avec plus de sexe et de violence.
R.V.