Thriller -
Crime
à
froid
Ça vengeance sera terrible
Les années 70 furent riches en films d'exploitation nauséeux Thriller - Crime à froid, dans l'Hexagone, en fait partie. C'est un rape and revenge qui ne nous épargne pas grand-chose du calvaire de son héroïne ni de sa terrible vengeance
Réalisateur : Bo Arne Vibenius
Scénario : Bo Arne Vibenius Distribution :
Année : 1973 Synopsis : Madeleine, rendue muette par le traumatisme causé par un viole dans subit son enfance, croise la route de Tony un playboy qui lui fera connaître l’enfer. La vengeance de la jeune femme sera effroyable et impitoyable. |
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Commençons par le presque inévitable point Tarantino car ce film fait partie du million de films préférés du réalisateur californien. C’est dans Thriller qu’il trouva certaines idées pour son Kill Bill Vol.1 et 2, comme le cache œil de pirate de Daryl Hannah par exemple et l’une de ces figures féminines vengeresses et implacables qui l’aida à forger l’identité de sa Beatrix Kiddo, la fiancée jouée par Uma Thurman.
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Thriller est un rape and revenge (viole et vengeance) ce genre de films plus ou moins éprouvants durant lequel un personnage féminin souvent jeune et plutôt pas vilain physiquement subit toute sorte de sévices à caractère sexuel avant de se venger dans le sang retournant la cruauté contre son ou ses tortionnaires. Le rape and revenge qui connut une petite heure de gloire dans le cinéma d’exploitation des années 70 est moralement discutable et c’est sans doute ce qui fait une bonne partie de l’attrait de ce genre de production. Ce jeu avec les limites de la morale et du montrable à l’écran.
Enfin pour en finir avec le contexte de ce petit film on ajoutera que c’est une production suédoise dont le scénario et la réalisation sont dus à Bo Arne Vibenius. Sa filmographie en tant que réalisateur est plutôt maigre puisqu’elle ne compte, outre Thriller que deux autres titres Hur Marie träffade Fredrik (1969) et Breaking Point (1975). Il a été, tout au long de sa carrière qui court des années 60 aux années 80, l’une des chevilles ouvrières du cinéma suédoisce qui l’a amené à travailler pour Ingmar Bergmann comme assistant réalisateur sur Personna.
Pour Thriller Bo Arne Vibenius cherche à réaliser un film d’exploitation dont le but est de faire de l’argent, ce sera donc un film choc basé sur le principe du toujours plus et du quand il n’y en a plus il y en a encore. Une approche poussée jusqu’à l’artificiel et l’absurde dans sa volonté de noircir le récit. La descente aux enfers de l’héroïne Madeleine (la mignonne Christina Lindberg) semble répondre à une liste que le réalisateur coche consciencieusement mais sans vraiment y mettre rien de personnel. Les malheurs s’accumulent et toujours plus d’horreur sont déversés sur l’héroïne jusqu’au ridicule parfois et Vibenius de ressembler à un élève scrupuleux qui se plie à un exercice de style.
Ce qui choque, aujourd’hui, c’est moins ce qu’on voit, car au final on ne voit pas grand-chose hormis un œil crevé et des gros plans pornographiques. On ne voit pas grand-chose donc mais on ressent pleinement la froideur du récit. Le réalisateur n’aime pas ses personnages et paraît éprouver peu d’empathie pour eux et même pour son héroïne ce qui est embêtant ce malgré une caméra subjective qui nous fait parfois voir le monde à travers ses yeux.
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On en vient à se demander si le réalisateur est maladroit ou s’il méprise son public. Au début du film ce sont deux inconnues, des voisines qui parlent de l’héroïne et de comment elle est devenue muette, le dialogue est maladroit car inutilement explicatif et plutôt mal amené. Ailleurs c’est le monologue de Sally (Solveig Andersson), une autre infortunée tombée dans les griffes du très méchant Tony (Heinz Hopf), qui raconte face caméra ses malheurs comme pour prendre à partie le spectateur. Le problème est qu’ainsi elle cesse de parler à Madeleine et fait violence à la scène qui perd de son naturel. Ce personnage de Sally existe pour ce monologue et une mise à mort hors-champ qui tâche de sang des draps mais ne déclenche pas le mécanisme de vengeance de Madeleine. C’est un autre fait qui la motive alors même si elle semble très triste, on se demande un peu pourquoi tant leurs interactions à l’écran sont limitées.
Le film est loin de la perfection mais il se veut généreux même quand il n’a pas les moyens de sa générosité il contient son lot de sexe non consenti, de violence et d’action. C’est un condensé du cinéma d’exploitation des années 70 avec son mélange de provocation à but lucratif, ses décors et ses costumes très typés et ses inserts pronos faits de gros plans explicites tournées avec une doublure qui n’est pas Christina Lindberg.
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Thriller n’atteint pas non plus le côté poisseux de La dernière maison sur la gauche de Wes Craven ou de certains gialli tournant autour de thèmes voisins, La lame infernale ou Mais qu’avez-vous fait à Solange où il est aussi question de prostitution de mineur deux films signés Massimo Dallamano l’un de ces artisans du bis italiens. Le film doit beaucoup de son charme à la personnalité de son actrice principale la pulpeuse Christina Lindberg qui, après des débuts de modèle dénudé pour des magazines de charme, a joué dans des films érotiques suédois qui l’ont amenée à tourner au Japon. Ici elle campe avec conviction son personnage de Madeleine. Un personnage rendu muet par la grâce du scénario qui même quand elle est en position de victime se bat dès qu’elle le peut. Elle subit la violence de Tony mais ne reste pas passive pour autant.
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Et par moment une forme de magie opère, Madeleine est iconisée à l’extrême avec ses caches-œil assortis à sa tenue (et oui) alors fugacement on comprend ce qui a pu séduire ce bon vieux Quentin Tarantino. Madeleine lors de ses instants de grâce, comme lorsqu’elle finit par attraper son tortionnaire dans un final qui évoque plus les westerns italiens qu’américains, nous fait oublier ce que le film a de raté (ces ralentis pour cacher la misère de scènes d’action indigentes, ces voitures qui explosent en dépit du bon sens…). Dans ces instants Madeleine est une cousine scandinave de la sublime Meiko Kaji qui incarnait Sasori dans La femme scorpion et ses suites.
R.V.