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L’Amour à Mort
Brian Yuzna s’accapare la petite mythologie créée par Dan O’Bannon pour tourner un film d’horreur romantique avec morts-vivants mangeurs de cerveaux
Titre original : The Return of The Living Dead 3
Réalisation : Brian Yuzna Scénario : John Penney Distribution :
Année : 1985 Synopsis : Curt est un fils de militaire qui ne veut pas suivre son père qui vient d’être muté. Il s’enfuie avec sa petite amie, Julie, mais en chemin un accident de la route entraîne la mort de la jeune fille. Curt est résolu à ramener Julie à la vie. La résurrection aura quelques effets indésirables. |
"I hurt myself today |
Le Retour des morts‑vivants 3 (1993) n’est pas la suite du Retour des morts‑vivants II (1988) qui lui-même ne continuait pas vraiment ce qui avait été commencé avec Le Retour des morts‑vivants (1985). Le seul lien entre ces films c’est un gaz, le/la (?) trioxine qui ramène les morts à la vie et transforme les vivants exposés en morts-vivants les uns et les autres devenant de redoutable mangeur de cerveaux ! Si le premier de la série, signé Dan O’Bannon, est une des grandes réussites de l’épouvante des années 80, son successeur ne jouit pas d’une réputation également flatteuse. Le Retour des morts‑vivants 3 quant à lui a été pris sous son aile par Brian Yuzna.
En 1993 Yuzna n’est pas un inconnu des amateurs d’horreur. Il a marqué de son empreinte le cinéma d’épouvante que ce soit pour sa collaboration avec Stuart Gordon pour Re-Animator (1985) et From Beyond (1986) ou en solo avec Society (1989) ou Re‑Animator II, La Fiancée de Re-Animator (1989). Si Le Retour des morts-vivants 3 est la première incursion de Brian Yuzna (un touche à tout réalisateur, producteur, scénariste…) dans le film de zombies on ne peut pas dire pour autant que le thème du mort‑vivant était inconnu du bonhomme, Re-Animator est un film dans lequel Herbert West (Jeffrey Combs, inquiétant comme il faut) redonne vie aux morts pour, le plus souvent, un résultat catastrophique. Ce qui étonne c’est l’absence d’humour, même noir, dans Le Retour des morts‑vivants 3 alors même que c’est un des charmes, encore aujourd’hui) de Re-Animator ou même de Society. Il y a une rupture de ton indéniable et hormis l’évocation par la colonel Sinclair (Sarah Douglas, admirable garce en chef) de la médiocrité de la sécurité de la base, un fait prouver à de nombreuses reprises par la suite, et l’absurdité de chercher à faire des dévoreurs de cerveaux des armes biologiques tant il est manifeste qu’ils sont incontrôlables il n’y a pas vraiment de quoi rire, autrement que nerveusement, devant Le Retour des morts-vivants 3.
L’atout du majeur film est qu’il se démarque franchement du tout venant du film de zombies/infectés en prenant pour personnage principal, le seul à avoir une vraie évolution dans le film, Julie (Melinda Clarke) la jolie infectée qui vous glace le sang quand elle se met à manger des cellules cérébrales en ouvrant des boites crâniennes à coup de pierre. Yuzna et son scénariste John Penney (assistant monteur sur Le Retour des morts-vivants) ne se soucient pas de raconter une nouvelle histoire de contamination mais une histoire d’amour tragique, ce qui est un changement appréciable. Plus fondamental encore la contamination initiale, l’élément déclencheur, est un acte volontaire, à défaut d’être réfléchi. Ce n’est pas un accident, contrairement à l’événement déclencheur du Retour des morts-vivants par contre cela nous rapproche d’un motif cher au réalisateur. La trioxine étant ici un équivalent gazeux à la substance verte fluo dont se sert Herbert West pour ranimé les cadavres dans les Re-Animator. En voulant ramener à la vie sa petite copine Julie, Curt (J. Trevor Edmond) provoque une réaction en chaîne qui amènera à un dénouement tragique car la Julie revenue des morts n’est plus l’adolescente rebelle qu’il aimait mais une créature qui vit dans une douleur sans fin que seul l’ingestion de cervelle peut calmer. Elle n’est plus la même mais il continue à l’aimer.
Le film de Brian Yuzna est pourtant bien l’héritier de celui de Dan O’Bannon en cela qu’il jette sur les morts-vivants et les infectés un regard compréhensifs. Dans Le Retour des morts‑vivants O’Bannon donnait une voix aux défunts mais aussi une motivation, ils cessaient d’être des antagonistes absolus, des goinfres anthropophages dont les agissements étaient incompréhensibles pour devenir des êtres sensibles. Des morts‑vivants qui veulent manger vôtre cerveau, certes, mais qui ont une raison de le faire autre qu’une pure méchanceté. Ne parlons pas d’humanisation, l’un des éléments tragiques du long métrage de Yuzna est précisément que Julie n’est plus humaine, il y a une altérité absolue, que rien pas même un amour inconditionnelle peut abattre. Il en résulte une horreur basée non plus sur la peur de l’inconnu, les motivations des morts-vivants, ou l’idée que les vrais méchants ce sont en fait les humains (variation sur le thème l’homme est un loup pour l’homme) mais sur l’injustice qui est faite aux morts-vivants et l’incapacité de les faire coexister avec le reste du genre humain.
Loin de l’apocalypse zombie, qui est devenu un topos manipulé avec plus ou moins de tact et de talent par ceux qui s’en empare, Brian Yuzna raconte une histoire émouvante et éminemment intime. Les séquences d’automutilation sont poignantes et renvoient à toutes sortes d’images plus liés au mal-être adolescent qu’aux convention du genre film de zombies. Le retour des morts-vivants 3 est l’une des plus belles histoires d’amour de toute l’histoire du cinéma d’horreur et c’est aussi une tragédie qui comme toute les bonnes tragédies finie mal. Il n’y a pas de fin heureuse car d’emblée, dès la résurrection de Julie, celle-ci est rendue impossible par le fait qu’il n’y a pas de retour en arrière, la morte-vivante doit manger des cerveaux pour, un peu et guère longtemps, apaiser sa douleur existentielles. Brian Yuzna ne sombre pas dans un romantisme béat et mièvre et il parsème sa romance tragique de violences et de pures moments d’horreur.
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Parmi eux il y a l’apparition de Julie transformée en beauté cauchemardesque. Là encore ce n’est pas subit mais voulu. La tragédie loin de rendre les deux protagonistes principaux passifs dépend en fait largement de leurs choix et actions. Curt et Julie changent le monde qui le. C’est parce que Julie mord le bras du voyou Mogo (Julian Scott Urena) qu’ils sont pourchassés non pas juste par les militaires mais aussi par les membres de sa bande. Une bande, un genre de gang asiatico-latino (des Philippins ? on ne sait pas et on s’en fout !) composés pour partie de tronches vues ailleurs comme celles de Mike Moroff (La Bamba, Desperado, Robocop et plein de séries télé) et Sal Lopez (lui aussi plein de séries et de téléfilms mais aussi un second rôle Full Metal Jacket).
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Enfin pour ceux qui aiment les effets spéciaux à base de maquillages, de marionnettes/animatroniques et de latex, ils en auront pour leur argent puisque Yuzna s’est entouré de gens qui avaient travaillé sur Army of Darkness, le troisième Evil Dead. Brian Yuzna aime en foutre plein les yeux, même quand il a un budget modeste (qu’on songe aux horreurs visibles dans Society et ses partouzes incestueuses fusionnelles dans la haute société) et les morts-vivants sont une belle occasion pour le réalisateur de déployer une belle galerie de monstres. Melinda Clarke, dans les bonus visibles sur l’édition combo DVD/BluRay du Chat qui fume, raconte qu’un des morts-vivants sur le plateau de tournage lui a foutu une peur bleue et que le cri qu’on entend dans le film est un vrai cri de peur non simulé. L’équipe technique est la première citée au générique finale, en gros et en rouge sur fond noir. Dans les mêmes bonus Brian Yuzna expliquent qu’il voulait mettre en valeur le travail accomplit pour les effets spéciaux mais qu’il ne pouvait le faire en ouverture pour ne pas trop rallonger le générique au début du film. Bien sûr ceux qui ne jurent que par les trucages numériques trouveront le film daté et en déduiront qu’il est mauvais, les pauvres.
Le Retour des morts-vivants 3 est plus qu’un objet nostalgique, c’est un vrai bon film d’horreur, et peut-être aussi un vrai bon film tout court. Le Retour des morts-vivants 3 est aussi plus qu’un des nombreux films de zombies/infectés qui ont été tournés pour capitaliser sur le succès des films de George Romero. C’est un long métrage à part, singulier fidèle à celui d’O’Bannon et différent. Le Retour des morts-vivants 3 est une belle découverte pour ceux qui ne le connaisse pas déjà et rappellera de bons souvenirs aux autres.
R.V.