Dracula
Le seigneur des ténèbres
Le Dracula de Coppola est un film généreux, parfois foutraque, qui se perd un peu dans son opulence.
Titre original : Dracula
Réalisation : Francis Ford Coppola Scénario : James V. Hart Distribution :
Année : 1992 Synopsis :Lorsque Johnathan Harker est envoyé en Transylvanie auprès du comte Dracula il ignore que plus qu’un gros client c’est le mal incarné qu’il va rencontrer. Sa fiancée Mina Murray qui est restée en Angleterre regarde amusée et envieuse la compétition que se livre les prétendants de sa meilleur amie, Lucy Westenra, pour attirer son attention et obtenir la main de la riche et belle jeune femme. |
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Un film de Dracula tourné par Francis Ford Coppola a de quoi en étonné certains. On n’attend pas d’un réalisateur de renom qu’il s’aventure dans l’horreur et l’épouvante même si les contre-exemples ne manquent pas : Polanski avec ces films d’horreurs surnaturels plus ou moins moqueurs (Le bal des vampires) et ceux d’horreur existentielle (Le locataire), Kubrick et son Shining ou bien encore L’exorciste de William Friedkin. Surtout on pourra relever qu’Apocalypse Now avec son ambiance cauchemardesque et sa plongée dans la folie frôle le fantastique à plus d’une occasion. La version Redux en incluant dans le montage du film les scènes sur la plantation française renforce cette sensation fantastique tant ces colons perdus dans la jungle semblent être les fantômes d’un temps révolu. C’est peut-être bien le Styx que le capitaine Willard remonte. Et cette scène mythique du producteur qui se réveille avec la tête coupée de son cheval favori dans son lit, dans Le parain, n’est-ce pas digne d’une péloche d’horreur ? Repensez à tous ce rouge, à l’effroi du producteur qui découvre ce qu’est la peur, lui qui dans la scène précédente roulait des mécaniques. Plus loin encore Coppola avait commencé, sous la houlette de l’incontournable Roger Corman qui était alors en plein dans son cycle Edgard Allan Poe (Le masque de la mort rouge…), en tournant quelques films d’horreur comme Dementia 13 et The Terror (avec un tout jeune Jack Nicholson) en 1963.
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Mais ces péchés de jeunesse sont oubliés de beaucoup lorsque le réalisateur, qui vient de tourner la fin de sa trilogie mafieuse, s’attaque à une nouvelle adaptation du classique de Bram Stocker. Le projet se veut le plus fidèle possible au roman au point de lui emprunter une partie de sa forme épistolaire (extraits de lettres, de journaux intimes, coupures de presse…) le tout se traduisant par les personnages commentant le film en voix off et de multiple narrateurs. Une fidélité qui n’empêche pas de prendre quelques libertés en humanisant Dracula par exemple.
Mais le récit reste dans son jus victorien et à cette horreur gothique qui fit les grandes heures de la Universal dans les années 30 avant de faire la renommée de la britannique Hammer Film Productions dans les années 50 et 60. Le film est tourné en studio comme ses modèles et si des impératifs budgétaires ont guidé ce choix des considérations esthétiques y ont sans doute joué un rôle. Coppola pour son film ne lésine pas sur le romantisme noir, l’amour fou et tragique du comte Dracula qui rappelle celui de la Momie autre monstre de la Universal. Il retranscrit tous les grands thèmes du cinéma gothique la magie démoniaque, l’exotisme barbare de cette Europe orientale si loin des lumières britanniques, l’érotisme plus ou moins explicite, la libido plus ou moins refoulée des personnages, les débuts de l’aliénisme et les premiers balbutiement de la médecine moderne (on parle d’un temps où le secret de la transfusion n’avait pas encore été percé) tout est là. Est aussi présente l’opposition entre d’un côté l’archaïsme, les traditions folkloriques et la superstition, et de l’autre la modernité victorienne avec son esprit scientifique certes mais tempéré par une solide foie chrétienne et les valeurs rigides qui vont avec.
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En voyant ce long métrage si méticuleux dans sa description de l’état d’esprit victorien on ne peut que se dire que nous sommes vraiment très loin de ces gens et de cette époque. Le film de Coppola est cependant d’avantage qu’une plate reconstitution de la fin du XIXe siècle dans de beaux costumes car en réalité il se soucie fort peu de réalisme. C’est aussi un film de fantasy le château de Dracula emprunte à celui de la Bête dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau, et si l’époque victorienne est dépeinte avec un certain réalisme il n’en est rien de la séquence pré générique qui plonge la lutte de Dracula contre les ottomans dans le monde des légendes. L’armure du comte n’a rien d’historique, elle n’essaie même pas de coller à l’image que le cinéma hollywoodien donne de ce qu’est une armure médiévale. Ce pré générique place le spectateur dans un monde de conte de fées bien plus que dans la réalité historique d’un prince valaque de la fin du Moyen-âge luttant contre l’envahisseur turc. Cet écart entre l’époque victorienne et celle du comte Dracula est un reflet assez fidèle de la façon dont Bram Stocker en s’inspirant de personnages ayant existé a tordu la réalité pour créer son monstre de papier.
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Le Dracula de Coppola baigne dans une atmosphère onirique des plus séduisantes. C’est sans doute l’une des grandes réussites du film cette impression de rêverie brumeuse qui se joue des règles d’un bon récit cartésien. Il y a dans ce film un parfum de roman populaire avec son empilement de rebondissements qui font avancer une intrigue chaotique. Le film est d’une grande beauté et ne manque pas d’idées en matière de réalisation. Il est porté par un mélange d’acteurs plus ou moins débutants (Wynona Ryder remarquée chez Tim Burton dans Beetlejuice et Edward aux mains d’argent) et confirmés Anthony Hopkins est un van Helsing exalté habité par une conviction inquiétante.
Le film ne manque pas de qualités mais Coppola est parfois son meilleur ennemi. Son Dracula perd à trop vouloir être fidèle à son matériaux de base et aurait gagné à être plus court avec une intrigue plus resserrée. La conservation du caractère épistolaire du récit et l’usage de voix off déjà mentionnée ne fonctionne pas toujours.
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Malgré tout les bons moments l’emportent sur les faiblesses et parce qu’on ne peut que saluer le côté premier degré et étrangement naïf d’un film qui en met plein les yeux aux spectateurs Dracula par Coppola est un bon film, pas un chef d’œuvre mais c’est un beau livre d’images et sans doute une vision de Dracula comme on n’en verra plus guère maintenant que le système hollywoodien est obsédé par les franchises.
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R.V.
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LE FOSSOYEUR DE FILMS, une excellente chaîne YouTube qui parle de cinéma, s'est penché sur le film de Coppola et c'est encore mieux que tout ce qui a été laborieusement coucher par écrit ci-dessus, voilà c'est cadeau pour toi qui est arrivé jusque-là.
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Plus de films de vampires : Aux frontières de l'aube, Byzantium, Entretien avec un vampire, Le Bal des vampires, Le Cirque des vampires, Une nuit en enfer.
Et parce que quand on parle vampire la comtesse Bathory n'est jamais loin retrouvez-la chez la Hammer dans Comtesse Dracula.
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