La porte
des secrets
Dedans le sud
de la Louisiane
Magie noire, rites hoodoo, maison hantée, bayou et Kate Hudson dans un thriller horrifique qui sent bon le Vieux Sud moite et sans pitié
Titre original : The Skeleton Kee
Réalisation : Iain Softley Scénario : Ehren Kruger Distribution :
Année : 2005 Synopsis : Caroline Ellis, une infirmière, quitte l’hospice où elle travaille parce qu’elle trouve que les défunts ni sont pas bien traités. Elle trouve dans le journal une offre d’emploi pour accompagner un vieil homme malade. Caroline ne sait pas qu’elle vient de mettre les pieds dans un piège et que les Devereaux, ses nouveaux employeurs ne sont pas ce qu’ils semblent être. |
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Le lecteur est prévenu, l’article qui suit ne manque pas de spoils. Pour ceux qui n’ont pas encore vu le film on ne leur cachera pas qu’il est bon, que son ambiance est envoûtante, que Kate Hudson est mignonne et très bien dans son rôle d’infirmière qui accompagne les gens vers la mort et que ce long métrage est intense tant dans sa réalisation que dans son scénario. On leur dira aussi qu’ils peuvent revenir après avoir vu le film, qu’il est temps de filer car La Porte des secrets les attend dans un coin du grenier.
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Pour ceux qui ont déjà vu le film ou qui savent que ce n’est pas grave de se faire spoiler il est temps de rentrer dans le vif du sujet. Sorti en 2005 La Porte des secrets (The Skeleton Key en V.O., littéralement le passe-partout) est réalisé par le britannique Iain Softley qui à en croire sa fiche IMDb n’a pas la carrière la plus florissante qui soit pourtant il fait du bon boulot sur ce film où l’ambiance poisseuse d’une intrigue qui se passe essentiellement dans une grande bâtisse perdue au milieu du bayou, les marécages de la Louisiane, est primordial. Cette ambiance inquiétante est le point fort du long métrage, on parle d’un film qui parvient à rendre sinistre la ritournelle de carnaval Iko Iko (The Dixie Cups, 1965) ce qui n’est pas un mince exploit. Après l’auteur, qui adore parler de lui à la troisième personne du singulier admettra qu’il perd beaucoup de son sens critique dés qu’il est question de Louisiane, de la Nouvelle-Orléans, de bayous et dés qu’il voit à l’écran de la mousse espagnole pendue aux arbres.
Cette angoisse montante est largement le fruit d’une réalisation qui crie au fantastique très tôt et très fort. Une caméra placée perpendiculairement au sol pour un plan au cours duquel l’héroïne encore inconsciente du danger passe une porte est de ces signes qui vous disent que ce n’est pas un film réaliste que nous sommes en train de regarder. Le réalisateur multiplie ce genre de cadrages étranges qui sont autant de signes que le surnaturel est à l’œuvre. Le film aurait peut-être gagné à jouer plus longtemps sur le mystère avant de basculer dans le fantastique mais ce n’est qu’une question de goût.
Softley préfère plonger rapidement son héroïne Caroline Ellis (Kate Hudson, à jamais Penny Lane dans Presque célèbre) dans le bizarre et l’étrange. Elle est native du New Jersey, c’est une Nordiste qui ignore tout de la magie du Sud. Le personnage incarné par Kate Hudson est comme le public étrangère à toute cette magie à laquelle elle ne croit pas. Jusqu’à petit à petit se laisser prendre par l’histoire qui lui est racontée. Elle est comme souvent dans le fantastique ce personnage qui sert de porte d’entrée pour les spectatrices et les spectateurs. Elle est pour l’essentiel le personnage point de vue, son incompréhension est la nôtre, son malaise devant ces époux Devereaux, Violet (Gena Rowlands, Une Femme sous influence) et Ben (John Hurt, Alien – Le 8ème passager), dont elle ne comprendra que trop tard ce qui ne va pas chez eux nous le partageons. On n’écrira jamais assez sur ce site combien il est important de s’intéresser aux personnages pour éprouver quelque chose quand l’horreur les rattrape et sur ce point Iain Softley parvient à nous faire ressentir de l’intérêt pour le sort de son personnage principal l’infirmière Caroline Ellis. Ce qui n’est déjà pas mal.
La Porte des secrets arrive au milieu des années 2000 soit à un moment ou le thriller surnaturel reprend des couleurs après le succès de films comme Sixième Sens ou Les Autres. La Porte des secrets parvient néanmoins à faire preuve d’originalité dans sa façon de traiter les fantômes qui hantent la luxueuse maison de type colonial isolée en plein milieu des marais car ceux-ci ne sont pas des spectres mais des esprits qui jouent à saute-moutons et change de corps quand ceux de leurs infortunés hôtes se font trop vieux et que la mort, ce qu’ils cherchent à éviter le plus, se rapproche. Les esprits de Mama Cécile (Jeryl Prescott, Naissance d’une Nation) et Papa Justify (Ronald McCall, Beignets de tomates vertes) ne sont pas du genre miséricordieux, cléments ou compatissants ils sont tout entiers dédiés à la quête de l’immortalité.
Le film n’évoque que fugacement la question du racisme même si la scène du lynchage nous rappelle qu’il y a ce passé qui passe pas ou mal. La question de la race apparaît aussi à la fin quand Mama Cécile reproche à Papa Justify de lui avoir encore trouver un corps de blanche. Lui au contraire semble prisé ces corps blancs qui lui ouvrent des portes qu’on lui devineraient fermer autrement mais c’est là où le bât blesse, de ces antagonismes on ne saura pratiquement rien. C’est peut-être ce que le film réussit le moins bien, campé des personnages de méchants qui existent vraiment. La seule fois où l’on approche de leur histoire, lorsque Violet Devereaux raconte à Caroline Ellis les événements qui ont amené à la mort supposée des deux domestiques noire, elle parle des faits à la troisième personne ce qui n’aide pas à faire exister Mama Cécile ou Papa Justify. Au final on obtient un couple de noirs malfaisant qui font des méchancetés à de gentils blancs, l’infirmière prévenante et bien intentionnée d’une part et à leur notaire, Luke Marshall (Peter Sarsgaard, Jarhead – La Fin de l’innocence).
La Porte des secrets est une relecture originale du film de maison hantée qui apporte un peu de neuf dans un genre très formaté. Il crée aussi une ambiance macabre du plus belle effet bien aidé par une certaine mythologie du Sud qui se prête à ce genre d’atmosphère malsaine. Son principal défaut est que ses méchants manquent d’épaisseur et seraient bien anodins s’il n’y avait tout le folklore hoodoo qui teinte La Porte des secrets d’exotisme et de mystère plus ou moins bon marché.
R.V.