The Lords of Salem
Les sorcières de Salem
La cinquième réalisation de Rob Zombie est pour beaucoup un film ingrat, mal-aimé, un film que beaucoup n’aimemt pas. Pour nous c’est un superbe film atmosphérique qui mérite mieux que cette réputation.
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Réalisateur : Rob Zombie
Scénario : Rob Zombie Distribution :
Pays : Etats-Unis |
Synopsis : Heidi est une animatrice radio qui avec Whitey et Munster mène une émission de nuit très populaire. Un soir elle diffuse un mystérieux disque qui déchaînera des forces maléfiques dont elle n'imagine pas la puissance.
Il y a des films qui s'imposent à vous immédiatement. Des films qui dès les premières images captivent le spectateur bien disposé à se laisser ravir. Des films qui se gobent comme des bonbons. D'autres au contraire suscitent une antipathie instantanée que rien, mais rien du tout ne pourra dissiper. Et puis il y a ceux dont le charme est plus long à agir, The Lords of Salem est de ceux-là. Comme pour la bière ou le whisky pour les apprécier il faut se forcer un peu, éduquer ses yeux comme on éduque son palet et ses papilles gustatives.
Le cinquième film de Rob Zombie appartient à cette dernière catégorie de long métrage. Il est différent du diptyque La maison des mille morts et Devil's Reject ou des deux Halloween qu’il a précédemment tournés. Ici pas de famille de psychopathes en guerre contre le monde extérieur ou d’icône du slasher remaker mais une animatrice de radio et ces collègues qui sont les pions d’une malédiction qui a traversé les siècles. The Lords of Salem déjoue les attentes que l’on pouvait avoir au vu des précédents films de Rob Zombie, non il n'y aura pas de giclées de sang grand-guignolesques, pas non plus d'horreur white trash mais un film atmosphérique et onirique. Ceux des spectateurs qui n'aiment pas qu'un film prenne son temps pour exposer une ambiance et des personnages ou ceux qui pensent qu'un bon film d'horreur doit en mettre plein la vue trouveront ce spectacle chiant et de leur point de vue ils auront raison.
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Rob Zombie, là où tant d'autres recourraient aux jump scares pour fournir du frisson à bon marché et accompagner les apparitions qui hantent l'appartement et les rêves d'Heidi (Sheri Moon Zombie), opte lui pour une mise en scène discrète. Il recourt ainsi à des plans larges qui permettent au spectateur d’embrasser en un regard toute la pièce et de voir ces êtres inquiétants qui restent hors du champ de vision de son héroïne ce qui renforce le malaise du spectateur et cette sensation d'étrangeté. Cet aveuglement de l'héroïne a une conséquence, de combat du bien contre le mal il n'y en aura pas. Le seul personnage qui entrevoit un petit bout de l'intrigue est un érudit local, Francis Matthias (Bruce Davison), qui aurait pu être le van Helsing de cette histoire, archétype de l'homme mur et savant, est expédié dans une scène aussi économe en gore que brutale dans sa soudaineté et dans son côté anodin. The Lords of Salem tient d'avantage du cinéma de Polanski que de l'horreur à l'américaine même si l'on trouve dans le cinéma de Carpenter des machinations diaboliques qui réussissent comme dans le cauchemardesque L'antre de la folie.
Rob Zombie livre avec The Lords à Salem un film d'horreur intime porté par un casting qui mélange acteurs fétiches du réalisateur (Sid Haig, Ken Foree, Jeff Daniels...) et quelques splendides trognes du cinéma des années 70-80 avec notamment une collection d'actrices comme Patricia Quinn (Magenta dans le Rocky Horror Picture Show), Meg Foster (Invasion Los Angeles) ou bien encore Dee Wallace (La colline a des yeux, l'original de Wes Craven,Fantômes contre fantômes de Peter Jackson). Et puis il y a Sheri Moon Zombie, madame Zombie, qui incarne avec justesse un rôle marquant sans doute aidée par une réalisation amoureuse qui accentue l'empathie qu'on éprouve pour le personnage d'Heidi. Rob Zombie aime filmer son épouse et ça saute aux yeux à chaque fois qu’elle est à l’écran.
Il faut voir The Lords of Salem, ne serait-ce que pour se faire une idée et se confronter à un film qui aide chacun à déterminer ses goûts cinématographiques. Avec The Lords of Salem Rob Zombie a sans doute pausé un jalon dans sa filmographie et confirmé que par-delà ce que l’on peut penser de ses films il est définitivement de ses réalisateurs qui ont une vision, un sens de l’image et de l’écriture filmique qu’il n’est pas possible de prendre à la légère.
R.V.