Spasmo
Ceci n’est pas un giallo…
Ou peut-être que si…
Spasmo d’Umberto Lenzo est un giallo contrariant et contrarié, un film à l’étrangeté tranquille qui se distingue des autres production du genre
Réalisation : Umberto Lenzi
Scénario : Pino Boller (histoire), Massimo Franciosa, Umberto Lenzi, Luisa Montagnana Distribution :
Année : 1974 Synopsis : Christian est un playboy et un riche héritier qui tombe sous le charme Barbara, une femme qu’il découvre un jour évanouie sur la plage. Quelques temps plus tard alors qu’il la raccompagne chez elle, il est attaqué par un homme qu’il tue. C’est du moins ce qu’il croit mais les apparences sont trompeuses et Christian perd pied guetté par la folie. |
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Umberto Lenzi (1931-2017) n’a pas le statut de mythe de Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal, Le Chat à neuf queues, 4 mouches de velours gris… pour n’évoquer que sa trilogie animalière) ni l’aura de cinéaste à redécouvrir de Lucio Fulci (L’Eventreur de New York, Le Venin de la peur, La Longue nuit de l’exorcisme…). Il n’est, ce qui est déjà beaucoup, qu’un honorable artisan, un petit maître du cinéma de genre italien qui s’illustra entre autre dans le poliziottesco, le polar transalpin, ou l’horreur au tout début des années 80 avec le film de morts-vivants, L’Avion de l’apocalypse, et deux films de cannibales, La Secte des cannibales et Cannibal Ferox, et bien sûr le giallo avec Le Tueur à l’orchidée (1972) et Chats rouges dans un labyrinthe de verre (1975).
En 1974 lorsqu’arrive en salle Spasmo le giallo est déjà un peu dans le creux de la vague ce qui entraine la réalisation d’œuvres réflexives qui démontent et remontent les codes du genre. Dans ce registre la proposition de Spasmo est radicale et impose sa singularité dès sa première scène. Le film s’ouvre sur un jeune couple qui cherche un endroit tranquille pour, comme aurait dit mon grand-père, batifoler. Nous sommes en terrain connu. Il fait nuit et ce couple cherche à s’isoler, ils s’embrassent soudain la femme pousse un cri en voyant le corps d’une femme pendue. L’amateur de giallo jubile c’est bien le genre de choc qu’on attend d’un film transalpin, la collision brutale et inattendue d’Eros et de Thanatos dans le lutte sans fin entre la vie, l’amour, le désire et la mort. Le premier d’une longue série de cadavres croit-on pouvoir deviner. Pourtant quelque chose ne va pas. Il y a cette morte mais il n’y a pas eu de meurtre, du moins ne l’avons-nous pas vu. Où est l’assassin ? Où est le meurtrier ganté ? Où est le tueur à l’arme blanche ? Nul part car la morte est un mannequin.
Spasmo est un long métrage décevant qui refusera jusqu’à la toute fin de donner à son public ce qu’il est venu chercher et pourtant nous affirmerons que ce film est bien à giallo à condition de prendre le giallo non comme un genre cinématographique mais plutôt à la manière de la comédie comme une façon de raconter une histoire, une manière particulière de faire du cinéma, de tourner un film.
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Le giallo est le rejeton mal poli du thriller hitchcockien et de l’intrigue policière à tiroirs à base de complots en milieu grand bourgeois des éléments que l’on retrouve dans Spasmo au côté d’un secret de famille, d’un traumatisme enfantin et d’une pincée de démence. Autres traits distinctifs du giallo l’absence de la police et le héros qui prend en main l’enquête. Le protagoniste principal est Christian Bauman (Robert Hoffmann), un playboy, héritier d’une fortune considérable qui croit avoir tué un homme et se retrouvera emporté dans une conspiration qui fait de lui un pendant masculin aux héroïnes de gialli interprétées par Edwige Fenech (Les Rendez-vous de Satan, Nue pour l’assassin, Hostel – Chapitre II…). Il est aussi impuissant que mademoiselle Fenech et éprouve les plus grandes peines à comprendre ce qui lui arrive.
En terme d’expression cinématographique Spasmo est un film nocturne qui use de la caméra subjective pour piéger les spectateurs et les conforter dans la perspective qu’ils regardent bien un giallo sans leur donner ces meurtres baroques qu’ils d’attendent. Lenzi et ses scénaristes déplacent la perspective, Spasmo est une affaire d’horreur psychologique. C’est la descente d’un homme dans la folie que l’on suit intrigué, déçus en bien que nous sommes d’être frustré de notre plaisir voyeuriste. Un plaisir voyeuriste aussi battu en brèche par l’absence des scènes dénudées, surtout pour les personnages féminins, dont le giallo n’est pas avare.
Au côté de Robert Hoffman la distribution comprend des acteurs qui n’en étaient pas à leur premier giallo. Pour jouer son frère ainé, Fritz Bauman, c’est l’inquiétant Ivan Rassimov (1938-2003) que nous retrouvons avec plaisir. L’acteur n’est pas cette fois aussi ouvertement malfaisant que dans L’Etrange vice de Mme Wardh ou Toutes les couleurs du vice deux réalisations de Sergio Martino où il donnait la réplique à Edwige Fenech. Quant à l’Anglaise Suzie Kendall, le personnage principal féminin, elle avait déjà été à l’affiche de L’Oiseau au plumage de cristal et de Torso, de l’incontournable Sergio Martino. Kendall interprète un personnage dont on découvre à mesure que l’intrigue avance toute sa complexité et ses ambiguïtés.
L’idée visuellement la plus forte, celle qui donne son charme à Spasmo et lui confère cette teinte morbide c’est cette collection de mannequins abandonnés dans la nature dans des pauses morbides qui simulent les victimes de meurtres sadiques. Elles sont comme un échos des mannequins du film Six femmes pour l’assassin de Mario Bava. Ces femmes en plastiques sont aussi les fantômes des victimes de ces meurtres que Lenzi se refusent à mettre en scène et à filmer, ces victimes qui font l’ordinaire du giallo et de son cousin d’Amérique le slasher. Ces mannequins sont autant de figures macabres qui signalent aussi au public qu’il entre dans un monde de folie même s’il n’y aura pas, du moins jusqu’à un ultime rebondissement, de frénésie meurtrière.
Spasmo est le négatif de ce qu’est un giallo. Il en est le négatif pas le contraire. Il met dans l’ombre ce qui est d’ordinaire montrer avec une complaisance plus ou moins grande en fonction de la sensibilité du réalisateur et au contraire éclair ce qui est laissé dans l’ombre. Il est le négatif car c’est un giallo en creux. Umberto Lenzi entretenait un rapport conflictuel avec ce film tantôt insatisfait « J’ai accepté de le réalisé pour une question d’argent » (Mad Movies n°335, décembre 2019) tantôt heureux d’avoir réalisé Spasmo.
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Ce n’est pas par ce film qu’on conseillera à un néophyte de se plonger dans le giallo, il se savoure d’autant mieux qu’on a assimilé les codes du genre. Ah ! j’oubliai, Spasmo a aussi pour lui une belle bande originale signée par Ennio Morricone.
R.V.
Pour plus de gialli voir cette sélection qui n’est pas exhaustive, loin de là :
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – La Queue du scorpion – Le Tueur à L’orchidée – Le Venin de la peur – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Torso – Toutes les couleurs du vice
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – La Queue du scorpion – Le Tueur à L’orchidée – Le Venin de la peur – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Torso – Toutes les couleurs du vice