Le Chat
à neuf
queues
Dans l’œil du tueur
Le film qui a lancé le filon du giallo est aussi le premier long-métrage d’un réalisateur qui allait devenir un géant de l’horreur
Titre original : Il gatto a nove code
Réalisateur : Dario Argento Scénario : Dario Argento sur une histoire de Luigi Cozzi (Luigi Collo) et de Dardano Sacchetti Distribution :
Année : 1971 |
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Synopsis : L’institut de recherche médical Terzi a été le lieu d’un meurtre et d’un possible cambriolage. Carlo Giordanni, un reporter, est envoyé sur place pour enquêter. En arrivant sur les lieux il croise Franco Arno, un voisin qui a été témoin de quelque chose même si sa cécité ne lui permet pas de comprendre les faits. Les deux hommes s’allient pour enquêter.
Le Chat à neuf queues est le deuxième des giallos dits animaliers de Dario Argento qui furent a posteriori rassemblés en une trilogie ouverte par L’Oiseau au plumage de cristal et qui se conclut sur 4 mouches de velours gris. L’objectif avec ce long métrage était de battre le fer pendant qu’il était encore chaud et de donner une suite au succès laborieux mais certain de L’Oiseau au plumage de cristal. D’un strict point de vue économique Le Chat… fit encore plus fort que son prédécesseur avec un démarrage en trombe et un public d’emblée séduit par cette histoire inévitablement alambiquée comme il sied à ce thriller éclaboussé par des mises à mort bien crade et un tueur qui délaisse les armes blanches pour mieux étrangler ses victimes. Le meurtre du personnage jouée par Rada Rassimov est en la matière une grande réussite du meurtre sal et moche. Pourtant Argento mit du temps à reconnaitre quelque mérite à son deuxième film en tant que réalisateur.
La raison de ce peu d’affection n’est pas à chercher du côté de Karl Malden. Dario Argento n’a pas eu avec ce professionnel chevronné les soucis qu’il a eu avec Toni Musante le protagoniste principal de L’Oiseau… d’ailleurs Malden bouffe l’écran dans le rôle de Franco Arno un aveugle trop perspicace pour son bien et celui de la petite Lori (Cinzia De Carolis) une orpheline qu’il a pris sous sa protection. Les scènes entre le vieux monsieur et la fillette sont parmi les rares moments de tendresse de la filmographie du réalisateur. Le personnage incarné par Malden est la quintessence du héros dont Argento truffe ses giallos.
Il assiste à quelque chose sans bien savoir à quoi et pour cause la vue lui manque, et même s’il a une forme d’acuité qui parfois frôle le paranormal avec des genres de visions, et cherchera tout le long du film à comprendre ce qu’il a perçu cette nuit fatidique sans le comprendre. Cet aveugle est aussi un être fragile, autre qualité que Dario aime accolé à ses protagonistes principaux même s’il l’illustrera avec force plus tard dans sa carrière. La fragilité et aussi comment elle est surmontée c’est ce qui intéresse Argento. Ce motif on le retrouvera poussé à son paroxysme dans Suspiria et son héroïne danseuse (Jessica Harper vue dans le cultissime Phanton of The Paradise de Brian De Palma) en lutte avec une très puissante sorcière ou dans Phenoma avec là encore une héroïne (Jennifer Connelly) cette fois une adolescente somnambule et amie des bêtes en proie à un tueur sadique.
Malden n’est cependant pas l’unique protagoniste principal ou plutôt pour Le Chat à neuf queues, Dario Argento réparti entre deux acteurs le rôle de l’enquêteur non policier qui cherche à percer le mystère des meurtres qui s’abattent autour d’un centre de recherche. A Malden on adjoint le tous fraîchement débarqué du Secret de la Planète des singes, le bellâtre un peu fade James Franciscus qui apporte son dynamisme à l’enquête là où Karl Malden est le cerveau. Ce duo est là encore différent des enquêteurs amateurs et héros qu’on retrouve dans L’Oiseau…, dans 4 mouches… et dans Les Frissons de l’angoisses en cela que leur intérêt pour les meurtres est professionnel dans le cas de Carlo Giordani, le personnage de Franciscus, c’est un journaliste qui arrive sur les lieux du premier meurtre et du cambriolage pour le compte de son journal quant à Franco Arnò c’est la curiosité et sa passion des énigmes (il gagne sa vie en composant des grilles de mots croisés) qui l’amène à se mêler de l’affaire.
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Malden n’est cependant pas l’unique protagoniste principal ou plutôt pour Le Chat à neuf queues, Dario Argento réparti entre deux acteurs le rôle de l’enquêteur non policier qui cherche à percer le mystère des meurtres qui s’abattent autour d’un centre de recherche. A Malden on adjoint le tous fraîchement débarqué du Secret de la Planète des singes, le bellâtre un peu fade James Franciscus qui apporte son dynamisme à l’enquête là où Karl Malden est le cerveau. Ce duo est là encore différent des enquêteurs amateurs et héros qu’on retrouve dans L’Oiseau…, dans 4 mouches… et dans Les Frissons de l’angoisses en cela que leur intérêt pour les meurtres est professionnel dans le cas de Carlo Giordani, le personnage de Franciscus, c’est un journaliste qui arrive sur les lieux du premier meurtre et du cambriolage pour le compte de son journal quant à Franco Arnò c’est la curiosité et sa passion des énigmes (il gagne sa vie en composant des grilles de mots croisés) qui l’amène à se mêler de l’affaire.
Les enjeux sont au début de ce film moins élevés que dans les autres giallos d’Argento, ils gagnent en sérieux à mesure que l’intrigue progresse et que le tueur se rapproche des deux importuns, jusqu’à ce qu’ils deviennent personnel. Cette structure qui passe d’une certaine légèreté pour gagner en sérieux puis en gravité à mesure que le dénouement approche. Pour classique qu’elle puisse paraître, et donc peu argentesque, cette approche est pour beaucoup dans l’attrait qu’exerce Le Chat…
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Ce qui déconcerte et peut décevoir c’est cette impression de classicisme. Le Chat à neuf queues est le plus sage des giallos d’Argento celui qui s’éloigne le plus de la patte visuelle du réalisateur italien. C’est sans doute ce que le réalisateur qualifie d’« américain ». Il est aisé d’être déçu par le film classique, comprendre un thriller avec une réalisation à l’américaine, d’un auteur qu’on qualifie plutôt de baroque avec ce que cela implique d’exubérance à l’image. Le Chat… fait pâle figure à côté des couleurs criardes de Suspiria et Inferno. Il n’a pas non plus pour lui le déchainement de violences de Ténèbres, le dernier giallo d’Argento sorti plus de dix ans plus tard, en 1982.
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Plus carré Le Chat à neuf queues est le mieux écrit de la filmographie de Dario Argento. Sur ce film le réalisateur semble en retrait. Il y a bien ces plans sur l’œil du tueur qui annoncent qu’il est prêt à frapper mais cette fois la réalisation est comme en retrait. Le Chat… porte en lui les contradictions du Dr. Dario (le scénariste) et de Mr. Argento (le réalisateur) qui en salle de montage escamotera la fin pourtant tournée, la réconciliation à l’hôpital de Carlo Giordani et de la belle Anna Terzi (Catherine Spaak, une actrice et chanteuse française par la suite naturalisée italienne) pour une chute bien plus abrupte et ce n’est pas qu’une façon de parler. La fin heureuse initialement prévue est châtrée pour se prémunir d’un dénouement trop américain ? Hollywood aime quand sa finie bien et en toute franchise les spectateurs aussi. Oui peut-être. Ou alors c’était la façon qu’a eu Argento de faire sien un film dont il avait l’impression qu’il lui échappait entre la pression des distributeurs pour une suite copie carbone de L’Oiseau… et les difficultés avec le scénariste Dardano Sacchetti (qui se voit méchamment rétrogradé dans les crédits). La tentative de reprise de contrôle n’a pas complètement fonctionner du moins du point de vue du réalisateur ce qui a valu au Chat à neuf queues d’être snobé par les amateurs de la chose agentesque.
Un demi-siècle après la bataille il est bon non pas de réévaluer le deuxième film de Dario Argento mais de le prendre pour ce qu’il est, un bon thriller avec des gros caillots d’horreur dedans. Le Chat à neuf queues c’est ce type timide au milieu des forts en gueule (le reste de la filmographie du maestro) ce n’est pas parce qu’il parle moins fort ou qu’il est moins volubile qu’il n’a pas lui aussi sa petite histoire à raconter. Alors tendez l’oreille.
R.V.
Retrouvez aussi sur ce sites nos autres chroniques des films de Dario Argento : L’Oiseau au plumage de cristal, 4 mouches de velours gris, Les Frissons de l’angoisses (Profondo Rosso), Suspiria, Inferno (à venir), Ténèbres, Phenomena (à venir).