The
Wicker
Man
Libres enfants de Summerisle
The Wicker Man est un film singulier à la fois thriller d’épouvante et réflexion théologique ce film de 1974 a offert à Christopher Lee l’un de ces plus grands rôles.
Réalisateur : Robin Hardy
Scénario : Anthony Shaffer Distribution :
Pays : Royaume-Uni Synopsis : Le sergent de la police des Western Highlands Neil Howie arrive à Summerisle, une petite île privée au large de l’Ecosse, pour enquêter sur la disparition présumée de la jeune Rowan Morrison. Cette enquête de routine tourne à l’opposition entre le policier chrétien dévot et les coutumes et rituels païens des îliens. |
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![Photo](/uploads/7/9/2/6/79268446/capture-d-cran-169_orig.png)
The Wicker Man est un long métrage qui défit les classifications. Aux yeux des amateurs de gore ou de croque-mitaines féroces il y a fort à parier qu’ils n’y trouveront pas leur compte. Dans ce film britannique signé Robin Hardy, pas de geyser de sang ni de tripes à l’air et un nombre de morts indigne du plus indigent et paresseux des slashers et pourtant on maintiendra que nous avons là une péloche d’épouvante, atypique certes mais d’épouvante quand même. Et que les dix dernières minutes comptent parmi ce que l’on trouvera de plus fort dans le genre, rien que de part les messages contradictoires qu’elles jettent à la face du spectateur.
Premier indice que nous avons bien à faire a un film d’épouvante le carton d’ouverture remerciant les habitants et le Lord de Summerisle, oui comme pour The Blair Witch Project, tous ceci est vrai. Ce carton crée d’abord un effet de réel saisissant qui aide bien à la suspension de l’incrédulité. D'ailleurs Hardy est aussi connu comme documentariste. Au final, passé le dénouement, ce petit carton est une perle d’humour noir et vachard qui ravira celles et ceux qui aiment ce genre d’humour.
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L’épouvante du film est existentielle, elle réside dans l’étrange mal-être qui saisit celui qui arrive dans un monde qui devrait lui être connu et familier mais qui ne l’est pas.
Pour ne rien spoiler on se focalisera sur le tout début du film car le ton du long métrage y est donné dans la première rencontre entre le policier, le sergent Neil Howie (Edward Woodward alors surtout connu pour la série Callan) et la poignée d’hommes rassemblés sur le port. Ils sont tous écossais, parlent la même langue, rien a priori n’empêche la communication et pourtant elle ne se fait pas. Le sergent de police est là pour enquêter sur la disparition d’une adolescente, c’est une affaire sérieuse, il est guindé, plus tard dans le film on apprend que cette rigidité n’est pas qu’une déformation professionnelle mais que Howie est un homme pieu et rigoriste, un fervent chrétien. Face au policier se tient un petit groupe d’hommes plus âgés que lui qui prennent visiblement beaucoup de plaisir à ne pas répondre à ces questions et quand ils le font à répondre à côté. Ils sont à la fois récalcitrants et rieurs. Leur légèreté contraste avec la gravité du policier.
Cette impossible communication ne sera pas levée dans le courant de l’intrigue. A aucun moment ce policier ne sera en mesure de comprendre ces gens curieux sur lesquels il enquête. Ces gens pleins de vie, gais et même paillards. Ces îliens qui vivent dans la licence s’avèrent être de mauvais chrétiens. Le malaise du policier est aussi le notre mais il est difficile de pleinement s’identifier à cet homme rigide et borné qui finit par faire de son enquête une croisade. Pendant qu’il se débat pour percer le secret de la disparition de la jeune Rowan Morrison, les gens de Summerisle chantent et dansent. Il s’en faudrait de peu que le film ne devienne une comédie musicale, mais il reste dans les limites du réalisme donc pas de chorégraphie avec tous les habitants de Summerisle. Ces chants et ces danses ont une toute autre fonction que dans un film musicale, ils servent à mettre en contraste le rigidité et l’immobilisme du sergent de police Howie. Il est différent des gens de Summerisle et ceux-ci ne sont pas comme lui.
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La musique participe donc pleinement de l’étrangeté qui nimbe le film d’un halo de mystère. Elle est la plupart du temps jouée à l’écran, elle est alors diégétique comme dans la scène du pub où les hommes présents chantent une chanson aux accents folk qui vente les qualités d’hôtesse de la fille du propriétaire, la pas vilaine Willow incarnée par la craquante James Bond Girl Britt Ekland. Mais parfois la source de la musique est moins évidente comme lorsque la même Willow, peu après, un peu plus tard ce soir-là, danse nue et chante un air qui semble ensorcelé ce brave Howie qui est en train de rater sa première épreuve. Où peut-être de basculer définitivement dans un monde qu’il ne comprend pas et pire encore qu’il ne cherche pas à comprendre.
Raté, c’est une interprétation, disons que le policier est soumis à une suite d’épreuves qui le mènent inexorablement à l’accomplissement de son destin. Difficile d’en écrire d’avantage sans trop dévoiler une intrigue dont la résolution repose non sur un twist mais dans un paradoxe.
Dernier point, le scénariste Anthony Shaffer livre ici une interprétation singulière d’un topos cher au cœur des lecteurs de fantastique et des spectateurs de cinéma d’horreur, celui de la communauté isolée qui s’adonnent à quelques cultes qu’on ne saurait guère qualifier de chrétiens. Combien de nouvelles de ce cher Lovecraft conte l’histoire d’un homme confronté à un innommable culte aux rites barbares ? Shaffer et Hardy dans The Wicker Man, sans tout à fait adopter le points de vue des insulaires témoignent d’une forme de compréhension qui nous amène à les voir moins comme des menaces (ce qu’aurait sans doute fait un scénariste et un réalisateur moins subtiles) mais comme une communauté menacée. S’ils sont parfois étranges et inquiétants les gens de Summerisle ont pour eux une vie simple et joyeuse débarrasser de bien des inhibitions. Ce qu’ils ont de positifs rend d’autant plus désagréable ce qu’ils sont prêts à faire pour conserver leur bonheur.
The Wicker Man est un film néopaïen qui parle de l’agonie du christianisme « Dieu a eu sa chance et Il a foiré » constate en substance Lord Summerisle (Christopher Lee dont c’est l’un des rôles favoris est plus aristocrate et charmeur que jamais). Le long métrage est aussi une rêverie celtique qui parce qu’elle délaisse certains effets éculés du cinéma de frousse à garder pour elle ce charme étrange qui la place à part du gros de la production horrifique et fantastique.
R.V.