La queue du scorpion
In cauda venenum
Un million de dollars en liquide, une nouvelle conspiration diabolique et un nouveau carnage, voilà le menu de La queue du scorpion, le deuxième Giallo de Sergio Martino
Titre original : La coda dello scorpione
Réalisation : Sergio Martino Scénario : Eduardo Manzanos (Eduardo M. Brochero), Ernesto Gastaldi & Sauro Scavolini Distribution :
Année : 1971 Synopsis : Lisa Baumer hérite de son mars, Kurt, un million de dollars en assurances vie. La veuve doit se rendre à Athènes pour toucher l'argent avant de retrouver son amant au Japon. Mais dans l'ombre un assassin rôde et il ne reculera devant rien pour s'emparer de l'argent. |
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Le réalisateur italien Sergio Martino entre 1971 (L’étrange vice de Mme Wardh) et 1973 (Torso) tourna cinq films, tous des Gialli et pourtant chacun est une œuvre singulière. Pour le réalisateur La queue du scorpion est une nouvelle occasion de tourner avec George Hilton dans l’un de ces rôle d’innocents à tête de coupable et inversement qui semblent taillé pour cet acteur. Quand on pense que ces cinq films sont aussi l’œuvre du scénariste Enesto Gastaldi le tour de force semble encore plus important. A l’heure des franchises, l’état actuel du cinéma hollywoodien, cela tiendrait presque du miracle. C’est bien sûr faire un anachronisme car en 1971 et en Italie la mentalité est toute autre, le cinéma populaire est pensé en terme de filons, il y eut le Péplum puis le Western, il y aura la Sexy comédie, le Poliziesco ou le film de cannibales. Ces filons ont pour devoir de rapporter de l’argent, on parle de cinéma d’exploitation ce n’est pas pour rien. Les filons sont animés par une tension interne fait de codes à respecter tout en préservant assez de nouveauté pour se démarquer dans un environnement hyper concurrentiel. Cette envie/nécessité de donner au public un produit rapidement identifiable tout en lui renouvelant son expérience à chaque nouveau film voilà bien la dynamique qui propulse le Giallo. On exploite un filon certes mais chaque pépite, chaque péloche, est différente de celle qui l’a précédé comme de celle qui la suivra.
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Le fan service est assuré par des scènes de meurtre sanglante du meilleur effet. Le sang coule. Le couteau perce les chaires et coupe même des doigts. L’intrigue est cependant moins basée sur une succession de meurtres, qui viennent épicer l’histoire lui donner du goût, que sur la résolution d’une conspiration et l’empilement des fausses pistes ce qui nous renvoie à L’étrange vice de Mme Wardh.
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Ici on peut, par pur plaisir de la pédanterie, introduire la notion de McGuffin. Le McGuffin c’est un machin, un bidule, un truc qui n’a d’importance que parce qu’il met en branle l’action. Ici Ernesto Gastaldi en utilise deux, d’abord une lettre compromettante, qui justifie le premier mort à l’écran, mais disparaît dès lors que l’argent apparaît. Cette lettre d’abord si importante car compromettante disparaît corps et bien, victime collatérale d’un film qui empile avec entrain et régularité (même si nous n’avons pas vraiment chronométré la chose) les cadavres.
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La queue du scorpion propose deux personnages féminins intéressants avec par ordre d’apparition la très ambigüe Lisa Baumer, Evelyn Stewart, une veuve au passé trouble qu’on ne sent pas vraiment triste à la mort de son époux, qui a un amant et qui n’est pas mécontente d’embaucher un million de dollars puis avec la photo reporter Cléo Dupont, jouée par Anita Strinberg (Le venin de la peur, Qui l’a vue mourir ?…), une femme indépendante, pas trop mal dégourdie, elle bien plus qu’une simple victime d’une machination qui cherche à la perdre, ce qu’a souvent été Edwige Fenech (L’étrange vice de Mme Wardh, Toutes les couleurs du vice, Les rendez-vous de Satan, Nue pour l’assassin…) dans les Gialli du duo Martino/Gastaldi.
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L’une des curiosités du film est que le tueur en série n’apparaît vraiment à l’écran qu’assez tard dans le film. Sergio Martino retarde autant qu’il le peut l’apparition à l’écran de son tueur en combinaison noir. Ce temps le réalisateur en profite pour balader le spectateur entre Londres et Athènes, c’est aussi ça le Giallo ce côté film touristique, pour présenter ses personnages et leurs enjeux, nous conduire dans des fausses pistes et installer son histoire du million de dollars. Ce temps donne une épaisseur rare aux personnages qui est assez rare, les morts ne sont pas des semi-anonymes tués gratuitement pour le frisson que cela procure au spectateur. Même les seconds rôles ont une histoire. Un personnage comme celui de Lara Florakis, la maîtresse du défunt Kurt Baumer incarnée par la Française Janine Reynaud, n’est pas qu’un second rôle accessoire elle existe à l’écran et pas simplement pour mourir dans d’atroces souffrances.
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Martino fait encore preuve d’imagination dans sa façon de filmer les meurtres, on pense à ce cette lame qui perce la chaire d’une victime en gros plan. Bien sûr certains effets on vieillit et ce sont émoussés avec le temps mais à plus de quarante ans d’écart et compte tenu de ce qu’a dû être le budget de La queue du scorpion faire preuve d’indulgence ne nuit pas. Les mouvements de caméra son fluide et dynamique. Le bon Sergio parvient même à rendre intéressantes des scènes plus banales comme avec cette discussion filmée avec une caméra tournée sur le côté pour obtenir une image qui brouille les repères entre verticale et horizontale. Et on ne s’étendra pas sur toutes les plongées et contre-plongées qui émaillent le film. Ces procédés n’empêchent pas le film de rester lisible et ne donnent jamais l’impression d’assister à une démonstration technique.
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Parfois, comme c’est le cas avec Sergio Martino, il n’est pas honteux de préférer l’œuvre d’un petit maître ou l'ouvrage d’un bon artisan, aux œuvres de grands maîtres dont la vision vous laisse de marbre ou dont les errements vous lassent. Et non nous ne parlons pas d’un Dario Argento qui a ou pas perdu son Mojo.
R.V.
Pour plus de gialli voir cette sélection qui n’est pas exhaustive, loin de là :
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – Le Tueur à L’orchidée – Le Venin de la peur – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Spasmo – Torso – Toutes les couleurs du vice
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – Le Tueur à L’orchidée – Le Venin de la peur – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Spasmo – Torso – Toutes les couleurs du vice