Le Bal des vampires
Entrez dans la danse
Le Bal des vampires ne vous fera pas peur mais il vous fera rire et ce avec une véritable histoire de chasseurs de vampires
Autres titres : Dance of the Vampires (Royaume-Uni), The Fearless Vampire Killers (Etats-Unis)
Réalisation : Roman Polanski Scénario : Gérard Brach & Roman Polanski Distribution :
Année : 1967 Synopsis : Le professeur Ambrosius et son disciple le jeune Alfred s’enfoncent dans les Carpates à la recherche d’une preuve de l’existence de vampires. Le voyage hivernal est éprouvant pour le vieil homme qui ignorent que son arrivée dans l’auberge tenue par Shagal le rapproche pourtant de son but.
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Des grands réalisateurs reconnus par la critique cinéma sérieuse peu ont autant œuvré dans le registre du fantastique que Roman Polanski. Du meilleur, l’incontournable, Rosemary’s Baby, au moins convaincant La Neuvième porte en passant par l’étrange et inconfortable Le Locataire (adaptation d’un roman de Roland Topor). Il y a dans la filmographie fantastique de Polanski beaucoup de réussites et peu de faux pas. Le réalisateur polonais est un maître de l’angoisse existentielle et aussi un grand sceptique qui contrairement à un Jacques Tourneur (La Féline) ne croit pas au surnaturel. Il est en cela un héritier convaincant des maîtres du fantastique littéraire du XIXème siècle qui étaient tiraillés entre le progressisme de leur temps et les lumières de la science qui chassaient l’irrationnel et la superstition dans les limbes d’une vision archaïque du monde, d’un côté et de l’autre l’angoisse de ce qui restait inexpliqué et du scandale ultime qu’est la mort.
Le Bal des vampires n’est pas l’œuvre la plus inquiétante du réalisateur Polonais. Le Bal des vampires se déploie de prime abord sous les traits d’un pastiche des films de la Hammer, la compagnie britannique avait rendu à la fin des années 50 sa gloire cinématographique aux vampires en général et à Dracula en particulier. Polanski suit à la lettre la formule Hammer Film : des chasseurs de vampires, un lieu isolé (ici un petit village perdu dans la neige), un aristocrate suceur de sang, un château et une domestique/fille d’auberge pulpeuse au décolleté avantageux. Tout ce qui a fait le charme et l’attrait des productions de la Hammer après le succès du film Le Cauchemar de Dracula en 1958 est ici réutilisé. Non vraiment rien ne manque et ce qui fait toute la différence c’est ce qu’il y a en plus et le regard amusé que le réalisateur porte sur ces conventions.
The Fearless Vampire Killers (soit les tueurs de vampires sans peur) est, comme l’indique le titre américain, volontiers ironique au sujet de ces deux héros le professeur Ambrosius (Jack MacGowran), alter ego hasardeux du professeur van Helsing, et son assistant le jeune et frêle Alfred (Roman Polanski, lui‑même) lequel ne s’intéresse vraiment aux vampires que lorsque le comte Krolock (Ferdy Mayne) a mis la main sur l’objet de toutes les attentions du jeune homme la belle Sarah (Sharon Tate). On a rarement vu au cinéma de chasseurs de vampires plus maladroits et gaffeurs que ces deux-là. Il faut reconnaître que c’est la première fois qu’ils croisent la route de vrais vampires aussi peut-on comprendre leur amateurisme et leur manque d’habilité dans leur tâche d’extermination de la gent vampirique. D’ailleurs les suceurs de sang ne sont pas beaucoup plus efficaces, ils ont cet aspect suranné qui les amène à danser le menuet en perruques poudrées ce qui est gentiment désuet à l’époque de la polka, du galop, de la mazurka et de la valse. Aristocratiques, ils vivent reclus, hors du monde et de ses bouleversements mais Krolock voit grand. Il a des projets et de l’ambition, le comte voit grand et, attention menu spoiler, il n’arrivera pas à ces fins.
On voit le poids des traditions chez ces vampires bien nés dans un autre détail, Shagal (Alfie Bass), le propriétaire de l’auberge dans laquelle ce sont arrêté Ambrosius et Alfred et le père de Sarah, est un vampire qui contrairement au comte et à son entourage n’a pas peur des crucifix. Ce n’est pas dit explicitement mais il n’est pas impossible que ce soit parce qu’il n’est pas très croyant, l’homme n’a pas l’air d’être des plus spirituels et pieux, ou bien plus probablement parce que certains détails nous font spéculer sur le fait qu’il est peut-être bien juif. Dans tous les cas il n’accorde aucune valeur magique au symbole de la croix, symbole chrétien s’il en est. Ce qui nous amène à penser que si les autres ont peur des croix ce n’est pas parce que ce symbole est réellement nocif pour leur engeance mais parce qu’ils le parent d’une sacralité dont il est en fait bien dépourvu. Shagal représente la modernité, Krolock et sa coterie appartiennent à un monde qui disparait. Ce ne seront pas eux qui rependront de par le monde leur malédiction mais un(e) vampire plus en phase avec son époque.
Roman Polanski fait montre d’ironie vis-à-vis de ses héros chasseurs de vampires approximatifs mais il éprouve une manière de tendresse pour ses deux personnages qui sont comme deux grands enfants. L’un, Alfred, est un adolescent attardé, l’autre, le professeur Ambrosius est un vieillard qui a tout plaqué pour se lancer à la poursuite d’une chimère, prouver l’existence des vampires. Ils sont du côté de la rêverie, comme le sont les vampires, et Polanski se montre encore plus iconoclaste dans un dénouement qui n’est pas conforme aux canons du film de chasseurs de vampires.
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Souvent les films dit de vampires sont en réalité des films de chasseurs de vampires. Le Vampires de John Carpenter, comme les films de la Hammer, comme le Dracula de Coppola et on en passe racontent tous, même les longs métrages qui ne font pas des vampires de simples antagonistes, la lutte victorieuse d’hommes courageux contre les forces du mal. L’archétype victorien créé par Bram Stocker dans son roman Dracula prévaut encore. C’est au final ce type d’histoire qui se voit battu en brèche par Le Bal des vampires, pour au moins une bonne raison c’est que ni Alfred ni Ambrosius ne sont des chevaliers modernes, c’est la curiosité intellectuelle qui meut le vieux professeur, pas un esprit de croisade. Quant à Alfred s’il se rapproche un peu d’un certain esprit chevaleresque, il veut sauver la belle en détresse, il en est bien incapable. Même le plutôt compréhensif Aux Frontières de l’aube partage ce topos quand il punit les méchants vampires et récompense les bons en leur rendant la vie mortelle. Pour d’authentiques films de vampires, des histoires dans lesquels les vampires ne sont plus des antagonistes mais les protagonistes principaux, on ne parlera pas de héros tout de même, on s’orientera plutôt vers Entretien avec un vampire ou toujours de Neil Jordan le sensible et violent Byzantium.
Cette digression terminée revenons à ce Bal des vampires qui a défaut d’être le plus angoissant des films de Roman Polanski a tout d’une œuvre personnelle qui semble dialoguer avec l’enfance du cinéaste. Cette neige qui nimbe le paysage renvoie à celle des hivers polonais, cette blancheur recouvre et modifie le paysage lui donnant un aspect irréel. Alfred est un grand enfant qui fait un bonhomme de neige. Le long métrage est une fois dépassé le simple pastiche des films de la Hammer plus proche du conte que de ses modèles cinématographiques anglais. Krolok n’est pas aussi impressionnant que Dracula quand il est interprété par Christopher Lee (The Wicker Man et qui au crépuscule de sa vie campa un Saruman mémorable) et Ambrosius est un vieillard bien éloigner du professeur van Helsing incarné par Peter Cushing, un acteur aux traits sévères et à la physionomie inquiétante.
Le comique du film en désamorce la gravité ce qui tue dans l’œuf toutes velléités d’horreur. Si l’on voulait critiquer négativement ce film ce serait sur l’incapacité du réalisateur à marier angoisse et humour mais ce serait un procès injuste tant il est dur de manier de front le rire et la peur ou même le dégoût une fois qu’on a mis de côté l’attirail gore. Le Bal des vampires ne vous fera pas peur, c’est un fait, mais il reste un film charmant, une rêverie envoûtante et drôle, une comédie fantastique grinçante. Un pastiche réussit des conventions des films de la Hammer et au-delà des films de monstres de la Universal.
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R.V.
Plus de films de vampires : Aux frontières de l'aube, Byzantium, Dracula (de Coppola), Entretien avec un vampire, Le Bal des vampires, Le Cirque des vampires, Une nuit en enfer.
Et parce que quand on parle vampire la comtesse Bathory n'est jamais loin retrouvez-la chez la Hammer dans Comtesse Dracula.
Et parce que quand on parle vampire la comtesse Bathory n'est jamais loin retrouvez-la chez la Hammer dans Comtesse Dracula.
Bonus
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