The Green Inferno
Cannibales on est mal
The Green Inferno est un hommage aux films de cannibales italiens de la fin des années 70. Eli Roth féroce n'épargne personne.
Réalisateur : Eli Roth
Scénario : Jeremy Slater Distribution :
Pays : Etats-Unis Chili Synopsis :Justine, une étudiante à l’université de Columbia fille d’un avocat qui travaille à l’O.N.U., se joint à une bande d’activistes pour aller sauver des indigènes menacés par une compagnie pétrolière et protéger la forêt amazonienne. Eprise du beau et charismatique Alejandro Justine apprendra entre autre que les indiens ne sont pas complétement sans défense.
|
|
Commençons par le plus évident, The Green Inferno est une adaptation contemporaine d’un sous-genre du cinéma italien de la fin des années 70, le film de cannibales. Le cinéma populaire transalpin d’après-guerre reposait sur ce que l’on appelle des filons, si certains d’entre eux étaient des variantes de films hollywoodiens (comme le Western spaghetti) d’autres étaient de pures inventions locales, comme ces longs métrages qui voient des Occidentaux se confronter aux pratiques des indigènes d’Amérique latine ou des Philippines et n’allez pas croire que les plus civilisés sont les moins sauvages, se serait trop simple et beaucoup moins amusant. C’est ainsi que les Italiens offrirent au monde, qui n’en demandait pas tant, des péloches dégoutantes, gores et excessives comme Cannibal Ferox ou Cannibal Holocaust qui ravissent les uns et consternent les autres.
|
Et The Green Inferno dans tout ça ? vous demandez-vous lecteurs chéris. Et bien The Green Inferno plutôt que de s’abîmer dans l’hommage propose une relecture contemporaine du genre en lui insufflant des considérations qui sont les nôtres, à nous gens des années 2010 entre traumatisme post 11 septembre, crise économique de 2008 et ce fichu internet avec ces réseaux sociaux. Eli Roth (réalisateur et co-scénariste) profite du canevas offert par un film de cannibales, soit la jungle et ces décors exotiques, les indigènes anthropophages et le choc des cultures (un motif récurant dans sa filmographie), pour parler de l’activisme au début du XXIe siècle, de sa médiatisation et de comment des bonnes causes peuvent se trouver vider de leur sens par l’opportunisme et les effets de mode. Roth parle aussi d’écologie, de la déforestation de la forêt amazonienne. Des sujets sérieux qui sont traités par le prisme d’un genre depuis longtemps désuet.
The Green Inferno est un film gore. Entre celui qui se fait dépecer à vif et celui qui est mangé vivant par des amérindiens pris d’une fringale cannabique on ne manque pas de raison de rire jaune devant le sort réservé à cette poignée d’activistes sûrs de leur bon droit et convaincu d’agir pour le bien. Quand le film ne verse pas gaiement dans l’humour noir comme avec cette scène où de braves ménagères amazoniennes préparent la première victime de la tribu en papotant comme si de rien était. La scène suivante l’un des activistes capturés lâche « Je sens mon ami qui cuit ».
Eli Roth en réalisant un film qui illustre le relativisme culturel et moral révèle aussi de façon crue ce que le cinéma d’horreur a de manipulateur. En principe nous aimons tous les peuples primitifs, pardon, les peuples premiers du moins jusqu’à ce qu’ils commencent à manger les personnages qui nous ressemblent et qui sont si gentils, tellement plein de bonnes intentions. Après nous ne sommes plus très sûrs. Il y a une scène anodine dans la première partie, un déjeuner entre Justine, l’héroïne incarnée par Lorenza Izzo (Once Upon a Time... in Hollywood) et son père, un fonctionnaire de l’O.N.U., joué par Richard Burgi (souvenir ému en pensant à la série, pas terrible par ailleurs, The Sentinel). C’est une scène banale de discussion filmée en champs contre champs, typique d’un soap en fait, jusqu’à ce qu’une autre voix se fasse entendre. On passe en plan large et on voit que ce n’est pas un tête-à-tête entre un père et sa fille mais un déjeuner à trois et que l’étudiante et amie de Justine qui partage sa chambre à la fac est là aussi. Le spectateur est dépendant de ce que le réalisateur veut bien lui montrer et au fond se laisse manipuler. On ne s’entendra pas plus longtemps sur le thème de la manipulation qui court tout le long du film pour ne pas pour ne pas déflorer l’intrigue mais pour ceux qui reverront le film ils pourront jouer au jeu de qui manipule qui.
Un dernier point avant de conclure, Eli Roth a mis un point d’honneur à aller tourner sur place. The Green Inferno est filmé en Amazonie péruvienne avec d’authentiques indiens trop heureux de découvrir le cinéma et de jouer dans leur premier film en même temps. C’est l’un des points forts du film, les autochtones que l’on voit commettre des atrocités particulièrement gratinées le font avec une joie qui tranche avec l’effroi qui se lit sur les visages des acteurs états-uniens. Roth ne filme pas avec un esprit racoleur une peuplade primitive commentant par sadisme des actes de cruautés mais un groupe humain se défendant contre des agresseurs.
The Green Inferno est au final un long métrage qui sait jusqu’ou ne pas aller trop loin, il s’arrête à temps pour ne pas sombrer dans le racoleur. Même après toutes les horreurs qu’ils ont commis difficile de voir dans les indiens des monstres. Avec ce film mineur Eli Roth rend un hommage fervent mais pas servile à un genre peu aimable du cinéma bis italien et le geste est louable. Le long métrage se laisse regarder sans déplaisir et c’est déjà ça.
|
R.V.