Re-Animator 2 -
La Fiancée de
Re-Animator
Les expériences d’Herbert
La suite de Re-Animator ravira les fans en radicalisant la formule du premier et en surenchérissant sur son mélange d’humour noir et d’horreur gore
Réalisation : Brian Yuzna
Scénario : Rick Fry, Woody Keith & Brian Yuzna, d'après des personnages de H.P. Lovecraft Distribution :
Année : 1990 |
|
Synopsis : Dan Cain et Herbert West sont de retour aux Etats‑Unis après quelque mois à se faire oublier en Amérique du Sud auprès d’une mission humanitaire dans une zone ravagée par la guerre civile. Si Dan est prêt à tourner la page, Herbert n’en a pour sa part pas fini avec ses expériences. Le duo aura fort à faire entre les nouvelles créations d’Herbert, le retour d’un ancien antagoniste, un policier fouineur et l’attrait qu’exerce Francesca sur Dan.
1990, cinq ans après Re-Animator, débarquait en salle la suite de ce film devenu entre temps culte grâce à son mélange d’humour noir façon carabin, de gore décomplexé et sa fin aussi apocalyptique que tragique. Re-Animator marque les débuts comme réalisateur du regretté Stuart Gordon, mort en cette fichue année 2020, et d’un partenariat durable avec le producteur Brian Yuzna. Les deux hommes collaboreront par la suite sur From Beyond, une autre adaptation de Lovecraft avec Jeffrey Combs et Barbara Crampton déjà à l’affiche de Re‑Animator, et Dolls. C’est d’ailleurs Gordon qui aurait dû réaliser Re‑Animator 2 : La Fiancée de Re‑Animator si des incompatibilités d’emploi du temps n’en n’avait décidé autrement, ce fut donc Yuzna qui s’y colla.
Alors que les années 80 s’achèvent Brian Yuzna est devenu une figure du petit monde de l’horreur états-unienne. Un producteur qui a laissé sa marque sur l’épouvante des années 80 de l’autre côté de l’Atlantique et qui est passé derrière la caméra pour le thriller paranoïaque, anarchisant et sexuellement déviant (inceste et autres cochonstés) Society. L’année suivante il reprend le rôle de réalisateur pour ce Re-Animator 2 qui est le sujet de notre chronique.
|
Même si Re-Animator 2 ne reprend pas là où son prédécesseur s’était arrêté mais quelques mois plus tard, il en est la suite directe. Comme l’indique le retour dans une séquence pré‑générique le retour du docteur Hill (David Gale) réduit à sa seule tête (celle‑là même qui avait outragé l’infortunée Megan Halsey interprétée par Barbara Crampton) agrémentée de sémillantes ailes de chauves souris. Ce pré-générique capte une bonne par de l’incongruité et du grotesque du film à venir qui plus que le précédant travaillera l’image de la chimère (homme/animal) et du corps recomposé avec des assemblages plus ou moins hasardeux de parties de corps humains. La suite, c’est une règle, est une surenchère de l’opus original ainsi qu’un approfondissement et une radicalisation de l’univers proposé.
Hill reste ce qu’il était déjà dans Re-Animator, le principal antagoniste, l’ennemi personnel d’Herbert West - le toujours aussi intriguant Jeffrey Combs, vu aussi dans Fantômes contre Fantômes de Peter Jackson. Herbert West lui-même ne change pas beaucoup il demeurre ce personnage de savant fou obsessionnel qui ne vit que pour trouver le moyen de déjouer la mort. Il semble néanmoins dans Re-Animator 2, mais ce n’est peut‑être qu’une illusion, encore plus empressé et moins disposé à se laisser distraire par les conventions sociales. Il n’est pas le plus aimable des personnages de fiction mais le temps de quelques phrases il peut être un personnage très drôle dans un registre aussi involontaire que pince-sans rire. Face à lui le personnage de Dan Cain (repris par Bruce Abbott) est plus humain néanmoins sous des dehors plus avenant on se doute bien qu’il y a la formule du premier chose qui cloche. Dan est moins le complice involontaire d’Herbert qu’il n’est prêt à l’admettre, il suffit que celui‑ci lui fasse miroiter un retour, pourtant improbable de son défunt amour, Megan, pour qu’il revienne travailler avec son partenaire. La scène est peu flatteuse pour le bellâtre qui en un rien de temps passe de « j’arrête tout et je m’en vais » à « c’est quand qu’on commence ». Dan est plus humain et il est plus facile de s’identifier à lui qu’à Herbert mais il ne sera pas plus que dans Re-Animator une boussole morale fiable.
En la matière c’est encore un personnage féminin, et intérêt sentimental de Dan, qui distingue le plus clairement ce qu’il y a de monstrueux dans les projets des deux hommes. Le personnage de Francesca Danelli est joué par Fabiana Udenio qui fut au début des années 90 un genre d’Italienne de service à la télé comme au cinéma états-uniens de l’époque. Le personnage de l’Italo‑Argentine (comme François, le pape actuel) qu’on a pu voir dans Austin Powers dans le rôle de Delta Defagin est une bouffée de fraîcheur. Francesca est un personnage d’ingénue qui découvre à mesure que l’histoire avance un monde d’horreurs qui ne sont pas toutes l’œuvre d’Herbert et de Dan, mais dont ils sont largement responsable. Francesca est aussi ce personnage qui se met entre Dan et Herbert au grand mécontentement de celui-ci. Homosexualité refoulé et jalousie ? Véritable dédain pour tous ce qui n’est que distraction vis-à-vis de son travail ? Egocentrisme indécrottable ? Syndrome de Peter Pan et misogynie immature ? Tous ça à la fois ? Faîtes votre choix. Herbert déteste cette fille qui se met entre lui et son copain de labo, son complice en expériences foireuses.
Francesca est la seule à ne pas être, d’une manière ou d’une autre, folle. C’est le seul personnage sain d’esprit au milieu de déments plus ou moins prononcés. Même la d’ordinaire présence rassurante d’un policier n’échappe pas à cette démence qui imprègne le film. Les policiers dans l’horreur sont souvent aussi rassurants qu’inefficaces ici c’est l’inverse, le lieutenant Leslie Chapham (Claude Earl Jones) est dès son apparition à l’écran un personnage dont on se méfie, un type louche qui partage avec les autres personnages masculins de ce film un côté obsessionnel nocif. Son obsession à lui est de comprendre ce qui s’est passé lors des événements racontés dans le précédent long métrage, une intention louable d’autant que sa femme est l’une des réanimées par le sérum d’Herbert. Pourtant entre le fait qu’il mène son enquête manifestement en dehors de tout cadre juridique, qu’il est envahissant et intrusif le personnage n’inspire rien de bon. On apprend plus tard qu’on a quelques raisons de se méfier.
Le lien en filigrane avec le Frankenstein de Mary Shelley et celui du cinéma, les films de la Universal, est plus explicite encore avec ce second volet qui emprunte son titre à The Bride of Frankenstein de James Whale avec Elsa Lanchester dans le rôle au combien iconique de la fiancée (et aussi celui de Mary Shelley). L’ouvrage séminal de Shelley, inventrice de l’archétype appelé à une certaine postérité du savant fou et qui coucha par écrit à laurée du XIXème siècle ce récit d’horreur où la technologie prométhéenne d’une ère de progrès est la Mal, est au moins autant que l’œuvre de Lovecraft une inspiration pour Re‑Animator et sa suite. Herbert est pire que Frankenstein notamment parce qu’il semble incapable d’aimer et sans doute parce que plus que son devancier il est débarrassé du surmoi chrétien. A Francesca qui lui fait remarquer que ses prétentions à créer la vie à partir de l’inerte, de la mort, relève du blasphème il répond avec quelque chose comme « Et devant quel Dieu. » Herbert West n’est pas un personnage tragique, hanté par sa créature comme l’Humanité est hantée par le péché originel. Il n’a pas ce genre de souci.
Ce lien entre Re-Animator 2 et La Fiancée de Frankenstein n’est pas que thématique. La Fiancée du film de Yuzna partage quelques similitudes avec celle de Wales. D’abord elles arrivent à la fin et leur survenue n’arrange rien aux problèmes qu’elles étaient sensées régler. La Fiancée couchée sur la pellicule par Brian Yuzna et interprétée par Kathleen Kinmont (Halloween 4) emprunte les mouvements erratiques et saccadés ainsi que l’air égarée à l’interprétation de Lanchester. Kinmont livre une prestation qui oscille entre tragique et ridicule. Lorsqu’elle tient son cœur (celui de Megan) dans ses mains elle ressemble à une version gore et pathétique d’Hamlet et son crane. Le film ne manque pas de morts-vivants mais évidemment puisqu’on passe une bonne partie du film à l’attendre, qu’on assiste même à sa création, à son assemblage à partir de différentes pièces, son apparition à l’écran fait son effet.
Re-Animator 2 est plaisant pour au moins une autre raison, son traitement des morts-vivants. Alors que les morts-vivants sont de plus en plus souvent des variations autour des zombies de George Romero, Re-Animator 2 les traite différemment. Ils ne sont pas des métaphores de la société de consommation, du racisme ou de Dieu sait quoi mais des créatures allant de l’abrutissement le plus complet à une vraie intelligence, la tête du docteur Hill. Ils ne sont pas non plus une menace existentielle pour l’humanité mais plutôt des expériences qui ont mal tournées. Les morts-vivants de Re-Animator 2 sont à l’image du reste du film un mélange d’humour noir (la défunte femme du policier est du genre jalouse) et d’horreur, ils sont une vision d’horreur et le dénouement avec notamment la révolte des « rebus » d’Herbert, autant de freaks, est une décente progressive en enfer. La mini série de films Re-Animator peut aussi en matière de morts ramenés à la vie dialoguer avec les deadites de la trilogie Evil Dead, l’autre sommet de ce triangle des morts-vivants de l’horreur. Mais il est temps de conclure.
Moins fondamental que Re-Animator, la suite est divertissante et ne rougit pas de la comparaison avec son ainé. Avec son exubérance La Fiancée de Re-Animator est un spectacle savoureux.
R.V.