Fantômes contre fantômes |
La mort dans tous ses états
Film charnière dans la carrière de Peter Jackson, Fantômes contre fantômes est une comédie d’horreur qui parvient sans forcer à concilier coup de flip et éclats de rire.
Titre original : The Frighteners
Réalisation : Peter Jackson Scénario : Peter Jackson et Fran Walsh Distribution :
Année : 1996 Synopsis : Frank Bannister, un ancien architecte, est un vrai médium alcoolique qui fait de faux exorcismes pour se payer à boire. Il ne se remet pas de la mort de sa femme. Sa routine est bien réglée jusqu’à la survenue d’un fantôme homicide qui le contraint à mener l’enquête. |
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En 1996 quand sort ce film Peter Jackson n’est pas encore le réalisateur hollywoodien qui a réalisé deux, trois broutilles comme la trilogie du Seigneur des anneaux, la trilogie du Hobbit ou une version étendue du King Kong originel de 1933. Ce qu’il est en revanche c’est un réalisateur néo-zélandais déjà confirmé qui a tourné cinq films depuis ses débuts en 1987. Une filmographie qui inclut deux films gores (son premier long métrage, Bad Taste et Brain Dead) mais aussi un film musical avec des marionnettes (Les Feebles) ou bien encore le drame inspiré d’un fait divers Les créatures célestes avec Kate Winslet. Fantômes contre fantômes signe la première collaboration de Peter Jackson avec Hollywood. On peut penser que dès sa conception ce long métrage devait être pour Peter Jackson et Fran Walsh, sa co-scénariste et complice depuis ses premiers méfaits pelliculés, la clé qui allait leur ouvrir les portes d’Hollywood avec pour ce film précis l’aide de Robert Zemeckis (réalisateur de Retour vers le futur). Fantômes contre fantômes tournera donc autour d’un motif profondément états-unien, la fascination morbide pour les serial killers et l’envie de battre le records des champions de la spécialité.
Michael J. Fox, est donc Frank Bannister cet authentique médium qui fait de faux exorcismes grâce à la complicité de vrais fantômes. Ces complices sont au nombres de trois, il y a Cyrus au look de Soul Brother joué par Chi McBride (Pushing Daisies…), le binoclard Stuart (Jim Fyfe) et le Juge, un pistolero dont le spectre part en morceau et qui est incarné, façon de parler, par John Astin (Gomez dans La famille Addams en série de 1964 à 1966). L’apparition d’un spectre grimé en grande faucheuse va contraindre le médium a mené l’enquête qui mettra fin à l'hécatombe.
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Peter Jackson confronte Michael J. Fox à un autre acteur américain, moins populaire mais totalement culte chez les fans d’horreur des années 80, l’étrange Jeffrey Combs qui ne se départ jamais de sa présence inquiétante et dérangée. Combs, remarqué par Peter Jackson dans Re-Animator, est un contre point parfait à Fox en interprétant, Milton Dammers, un agent très spécial du F.B.I. qui met dés sa première apparition à l’écran mal à l’aise. Fox, lui, est comme souvent l’image du brave gars rassurant qui, même s’il ne maîtrise pas la situation, cherchera à bien faire. Les aspects les plus sombres du personnage de Bannister (son veuvage difficile, son alcoolisme) sont autant d’épreuves que le héros apprend à surmonter.
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Jeffrey Combs est tout en noirceur, l’acteur a même le droit au genre de scènes dans lesquelles il excelle lorsqu’il raconte sa carrière d’agent qui a commencé comme infiltré dans la Famille de Charles Manson dont il était l’esclave sexuel (on hésite entre frissonner d’angoisse et de dégoût ou d’éclater de rire à cette confession). Pas vraiment fou l’agent Dammers n’a pour autant pas bien vécu ses diverses expériences pour le Bureau au point de devenir un antagoniste déterminé à causer la perte de Frank Bannister.
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L’une des ruses du film est d’offrir à Frank Bannister toute une gamme d’ennemis allant du plus anodin (la rédactrice en chef du journal locale) au plus mortel (la Faucheuse) en passant par l’inquiétant agent Dammers. Au milieu de ce jeu de piste qui tourne régulièrement au jeu de massacre Peter Jackson parvient tour à tour à faire rire ou à provoquer quelques sueurs froides.
Fantômes contre fantômes est cependant moins un film fantastique qui oscille entre frousse (plus ou moins grande en fonction de votre sensibilité) et rires qu’un long métrage qui commence comme une comédie surnaturelle avant de s’enfoncer dans l’horreur. Cette évolution permet à Peter Jackson de planter son décor, de créer son univers. Les fantômes sont réels et la coexistence est pacifique. Le début du film peut d’ailleurs faire penser à Beetlejuice de Tim Burton, les spectres ne sont pas dangereux, ils ne sont pas d’emblée à considérer comme des créatures malfaisantes. L’angoisse apparaît par petites touches avant d’éclater au cours d’une scène dans des toilettes qui fait la césure entre le premier et le deuxième acte.
Le deuxième acte et le dénouement sont un amalgame de différent sous-genre du cinéma d’épouvante qui emprunte au slasher comme au film de maison hanté sans pour autant que ça ne sonne faux. La direction artistique et la photographie donnent à l’ensemble sa cohérence. Fantômes contre fantômes est comme la création du docteur Frankenstein, un assemblage divers de genres qui ont fait les riches heures du film d’horreur au court des années 80. Quant à la dernière demi-heure du film c’est un balai dément qui jette les uns contre les autres les protagonistes dont aucun ne reviendra indemne, mêmes ceux qui survivront.
Peter Jackson n’a certes pas signé un chef d’œuvre mais il a commis avec Fantômes contre fantômes un film riche qui dévoile de nouvelles facettes à chaque visionnage et c’est déjà beaucoup. Réalisateur d’un naturel généreux Jackson offre un spectacle ébouriffant et personnel profondément sympathique. Que l’on songe que c’est sur ce film qu’il a pris goût aux images de synthèse et que pour rentabiliser les ordinateurs et le savoir-faire acquis sur ce film que Peter Jackson a commencé à se pencher sur l’adaptation du Seigneur des anneaux.
R.V.