Happy
Birthday
to Me
C'est ma fête
A côté du grand frère états-uniens le slasher canadien ne manquait pas d’argument, Happy Birthday to Me est l’un de ces petits bijoux
Synopsis : Virginia appartient à une confrérie officieuse d’élèves fortunées. Celle qui a survécu a un grave accident de la route paraît enfin mener une belle vie quand son cercle d’amis commence à se restreindre sous les coups d’un mystérieux assassins.
Qu’il est bon d’être agréablement surpris en tombant par hasard sur un film qu’on jugerait improbable si on ne l’avait pas sous les yeux. Happy Birthday to Me est un slasher canadien (ce qui n’est pas si incongru nous y reviendrons), réalisé par le vétéran J. Lee Thompson (Les Canons de Navarone, La Conquête de la Planète des singes et La Bataille de la Planète des singes, Les Nerfs à vif, Taras Bulba…) avec en vedette Melissa Sue Anderson, la Mary Ingalls de La Petite maison dans la prairie. Il y a dans cette simple phrase réunit à peu près tout ce qui fait le charme de ce long métrage alors détendez-vous et suivez le guide.
A la production nous retrouvons André Link et John Dunning, les producteurs de David Cronenberg sur Frissons et Rage ! mais aussi d’un autre slasher, Meurtres à la St-Valentin, contemporain d’Happy Birthday to Me. Les deux films partent d’une même idée prendre une fête du calendrier et en faire le cadre d’un jeu de massacre propre à réjouir l’amateur de slasher. La référence pour ce genre de slasher festif est Halloween mais il ne faudrait pas oublier Black Christmas (1974), un long métrage canadien bien placé pour le titre de premier slasher de l’histoire. Si tout le monde a un anniversaire le scénario peine à faire rentrer tous ces meurtres dans ce moment particulier de l’année des plus variables. On se dit néanmoins qu’il est important de rendre au Canada sa juste place dans l’histoire du slasher en ce début d’années 80, lorsque le genre naissant n’avait pas encore subi les assauts du temps, de la dérision et des relectures ironiques. Le Canada, l’autre pays du slasher, une dernière preuve ? Le bon Terreur à l’hôpital avec l’excellent Michael Ironside.
Le scénario d’Happy Birthday to Me d’abord confié à John C.W. Saxton (Ilsa, la louve de la S.S. avec la pulpeuse Dyanne Thorne dans le rôle-titre) connu son lot de réécritures notamment parce qu’une fois l’angélique Melissa Sue Anderson intégrée à la distribution les producteurs ont souhaité ménager l’image de l’actrice. Plus question d’en faire la meurtrière, même si cela n’aurait pas été une si mauvaise idée tant le personnage est symboliquement chargé. Anderson joue Virginia Wainwright, son père est un cadre de l’industrie pétrolière, elle est l’héroïne typique du slasher, classe moyenne à moyenne supérieure, blanche et putativement vierge. Cette virginité est comme un thème récurrent depuis le prénom du personnage, jusqu’à son allure virginale de gentille petite fille. Cet état n’est pas vraiment désiré et c’est là qu’elle se distingue un peu de la concurrence, elle se tient dans une zone crise reflet des hésitations du scénario quant à la nature du personnage. Est-elle une ingénue victime ? Est-elle une démente aux homicides multiples ? Châtie-t-elle dans le sang les garçons plus ou moins empressés qui la courtisent ? La présence de jeunes femmes au tableau de chasse du tueur brouille les pistes.
Cette ambiguïté scénaristique éclate quand arrive le dénouement et qu’il faut défaire par un coup de théâtre ce qui a par ailleurs été si patiemment élaboré.
Les producteurs n’étaient pas les seuls à rechigner à trop écorner l’image de l’actrice Melissa Sue Anderson qui était une héroïne au combien positive dans La Petite maison dans la prairie, cette série qui plus de trente-cinq ans après la fin de sa diffusion U.S. est encore régulièrement rediffusée. Melissa Sue Anderson, qui venait de quitter la série, était encore Mary Ingalls, la fille aînée, l’aveugle qui lutte contre l’adversité et en ressort grandi. Le réalisateur aussi n’était pas ravi à cette perspective or J. Lee Thompson est un vieux routier de la réalisation qui a travaillé pour Hollywood. Sa présence à la réalisation est sans doute pour beaucoup dans les qualités formelles du film qui est très loin de ce que pourrait rendre à l’écran le travail d’un débutant besogneux ou d’un amateur plein de bonnes intentions mais sans plus.
|
Thompson qui fait ses premiers pas dans le slasher et l’horreur se plie aux canons du genre, le premier meurtre arrive dans les premières cinq minutes, il montre assez de rouge pour satisfaire l’assoiffé de sang cinématographique sans verser dans le gore pour autant et le film montre aussi peu d’empathie que nécessaire pour les personnages chaires à canon qui gravitent autour de son héroïne. Ils sont au mieux agaçants au pire détestables, tout particulièrement les représentants de la gente masculine. La force du film passe par la qualité de la photographie qui donne à l’ensemble une certaine beauté. Thompson manie à merveille l’art de l’ellipse, il resserre son action sur l’essentiel avec sa réalisation sobre mais qui concours pleinement à l’ambiance cotonneuse.
Happy Birthday to Me est un film mélancolique qui dépeint ce moment où l’adolescent meurt pour faire place à l’adulte et au fond c’est de cela dont parle le slasher, de la fin de l’enfance, ce en quoi il se démarque profondément du giallo, son cousin transalpin, qui s’intéresse à de plus ou moins jeunes adultes. Il est ici question d’une jeune femme qui découvre sa sexualité et comme le veulent les lois d’airains du genre ça ne se passe pas bien du tout. Le slasher c’est le drame existentiel de l’entrée dans l’âge adulte tempéré par l’horreur d’une série d’homicides au réalisme discutable.
R.V.