Mais
qu'avez-vous fait
à Solange ?
A nous les petites anglaises
Un Giallo au goût de fait-divers malsain et racoleur, c’est ça Mais qu’avez-vous à Solange ?
Titre original : Cosa avete fatto a Solange ?
Réalisateur : Massimo Dallamano Scénario : Massimo Dallamano, Bruno Di Geronimo, Peter M. Thouet (non credité) d'après un roman d'Edgar Wallace Distribution :
Pays : Italie Synopsis : Enrico Rossini, professeur d'Italien dans une école pour filles de Londres, entretient une relation adultérine avec une élève, Elizabeth. Cette dernière croit être témoin d'une agression lors d'une escapade bucolique des deux amants. |
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Dans le grand maquis du Giallo, le réalisateur Massimo Dallamano a cultivé son petit coin de broussailles bien à lui faisant pousser un genre de Giallo façon fait-divers crapoteux, des longs métrages impliquants si possible des lycéennes mineurs et délurée menacées par quelque tueur sadique. Cette formule d’adolescentes en danger qui démarque Mais qu’avez-vous fait à Solange ? (Jeux dangereux sur le site IMDb, un ancien titre français ?) de la concurrence, Dallamano la reprendra en parti pour La lame infernale, un film de 1974 qui mélange Poliziesco (polar italien réponse transalpine à L’inspecteur Harry) et Giallo dans un film violent et glauque (lire notre chronique ici).
Cosa avete fatto a Solange ? Est un long métrage cruel porté par un Fabio Testi qui interprète l’un de ces personnages masculins aussi charmeurs qu’ambigus dont raffole le Giallo. Son personnage d’Enrico Rosseni est par moment franchement antipathique notamment dans cette scène ahurissante où il reproche à sa jeune maîtresse (jouée par Cristina Galbó) de prendre prétexte de ce qu’elle a cru voir une jeune femme se faisant agresser sur l’autre berge pour mettre une fin prématurée à leurs ébats. Le brave homme insiste se plaignant qu’elle n’est pas assez réceptive à ses caresses à cause de l’éducation qu’elle reçoit dans son lycée privé. Education qu’il est bien placé pour connaitre puisqu’il est professeur dans cet établissement huppé et catholique pour jeunes filles de bonnes familles.
Très tôt Massimo Dallamano installe cette ambiance malsaine dont le film prend bien soin de ne pas se démarquer. Une ambiance faite de voyeurisme avec notamment ces scènes de douches collectives entre lycéennes, d’une violence explicite, ce couteau qui est plus que jamais une métaphore sexuelle et qui est planté dans le sexe des victimes du tueur et enfin bien sûr la relation déjà évoquée entre Rosseni et son élève, la jeune Elizabeth Eccles. Avec cette dernière nous sommes en territoire familier tant le Giallo regorge de ces témoins impuissants à empêcher un crime puis défaillants car incertains de ce qu’ils ont vraiment vu et dans l’incompréhension de ce dont ils ont réellement été les témoins. On pense à Dario Argento et son obsession pour le Blow up d’Antonioni.
Et Solange dans tout ça ? Elle est jouée par Camille Keaton (héroïne Rape & Revenge I Spit on Your Grave, en 1978) et la révélation de son existence vient dynamiser l’intrigue de la dernière demeure et relance le film en vue de son dénouement. Camille Keaton, Solange Beauregard (et en effet la demoiselle avait de fort beaux yeux), est fascinante d’étrangeté, elle a une présence intrigante dans ce rôle muet. On pourrait regretter que le personnage n’ait pas été plus développer pour susciter un surplus d’empathie pour ce personnage tragique.
L’intrigue est labyrinthique à souhait mais reste centrée sur le personnage incarné par Fabio Testi ce qui évite la dispersion et si on a bien droit aux inévitables faussent pistes la narration est plutôt bien tenue et ne perd jamais son héros de vue. Un héros d’autant plus important que le tueur est largement maintenu hors-champs. Il n’est guère plus qu’une ombre à peine entre-aperçue. Plus que tout autre massacreur transalpin il est limité à ce couteau avec lequel il assassine ses victimes. Cette désincarnation étonne tant le film se veut part ailleurs réaliste et dépourvu d’éléments fantastiques ou ésotériques.
Car Dallamano a des intentions il veut aborder la question de la sexualité des jeunes femmes et dénoncer une société permissive qui semble tout autorisée. On est libre de le croire ou pas. Les intentions du réalisateur sont une chose, les réalités économiques et commerciales du cinéma italien d’alors en sont une autre. Il y a ce fond racoleur qui est là pour démentir la pureté des intentions d’auteur de Dallamano. Un démenti qui n’a rien de grave en soit, les intentions de l’auteur étant en la matière moins importante que le (dé)plaisir ressenti par le spectateur à la vision du film.
Mais qu’avez-vous fait à Solange ? est bien un Giallo en cela qu’il est le fruit d’une époque où l’ordre bourgeois hérité du XIXe siècle était mourant mais pas au point que ses tenants ne s’en soient encore complétement rendus compte. Le Giallo est un genre qui documente les frictions entre l’ordre morale de l’après Seconde guerre mondiale et la contre-culture apparue dans les années 60. Dans ce film ce hiatus est porté par des adolescentes, pas encore femmes mais qui ont déjà leur libido, qui vivent dans un environnement contraint, une école catholique pour la bonne bourgeoisie, qui est l’antithèse de ce à quoi elles aspirent. La roublardise du Giallo est qu’il joue sur les deux tableaux en dressant un portrait peu flatteur du nouvel ordre moral comme de l’ancien. Le destin du personnage de Fabio Testi, un professeur de sport et d’italien progressiste marié à une collègue, Herta (la blonde platine Karine Baal), à l’austérité toute germanique, illustre les hésitations et contradictions d’un genre qui doit son existence même au vent de liberté, tout relatif qui soufflait en ce début des années 70, mais ne parvient que rarement à présenter un portrait flatteur d’une jeunesse hippie forcément droguée, licencieuse pour tout dire immorale.
R.V.
Pour plus de gialli voir cette sélection qui n’est pas exhaustive, loin de là :
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – La Queue du scorpion – Le Tueur à L’orchidée – Le Venin de la peur – Les Rendez-vous de Satan – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Spasmo – Torso – Toutes les couleurs du vice
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