Mayhem
Légitime
Vengeance
Antisocial
Pour se remettre de son départ de The Walking Dead Steven Yeun joue dans Mayhem, un film d'infectés qui est aussi une sanglante satire sociale.
Réalisation : Joe Lynch
Scénario : Matias Caruso Distribution :
Année : 2017 |
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Synopsis : Injustement licencié du cabinet d'avocats pour lequel il travaillait. Il prépare ses bagages quand un virus qui rend les gens hyper violents infectes les employés. L'heure de la vengeance à sonner, il sera aidé par Melanie qui elle aussi à quelques comptes à régler.
Le cinéma d’horreur aime montrer la superficialité de la civilisation et l’aisance avec laquelle de braves gens peuvent se transformer en monstres. Ce dernier élément correspond souvent au dernier acte, quand la ou les victimes se transforment en machines à tuer pour venger les torts qui lui ont été faits. Vous pouvez penser ce que vous voulez de ce topos mais on le retrouve dans le slasher, le rape and revenge et aussi dans Mayehm. La nouveauté est que dans ce film le vernis de la civilisation est d’autant plus prompt à se casser que le héros, l’avocat Derek Cho (Steven Yeun, tu nous manques Glenn), et sa complice, Melanie Cross (Samara Weaving Ready Or Not, The Babysitter pour Netflix, un second rôle dans Ash vs Evil Dead…) se retrouve coincés dans un immeuble de bureau dans lequel les employés avaient peine, et ce avant même la contamination au virus ID-7, à maintenir la plus élémentaire des civilités. La séquence dans l’ascenseur ne sert pas qu’à résumer le parcourt de Derek dans l’entreprise où il travaille elle nous permet de voir comment ces gens, les avocats d’un cabinet sans scrupule, se traitent les uns les autres comme de la merde. Le ID-7 est un virus qui lève les inhibitions, fait voler en éclat ce que papy Freud appelait le sur-moi. Parfois il s’agit de baiser avec sa collègue dans l’open space, de photocopier ses fesses d’autre fois les pulsions sont plus violentes. La seule solution trouver par les autorités est la mise en quarantaine, ce qui empêche le virus de se répandre mais n’aide pas à calmer les gens qui se retrouvent coincer avec des collègues qu’ils détestent, comme ces le cas de Derek Cho et de ses collègues avocats à se détendre et à attendre dans le calme.
Car ce dont veut parler Joe Lynch, le réalisateur de ce film défouloir, c’est moins d’un virus qui rend les gens fous (une affaire vieille comme The Crazies de George Romero) que de la déshumanisation dans le milieu du travail et de cette méchanceté qui dans certain milieu est favorisée. Mayhem – Légitime Vengeance c’est l’abandon de la plus rudimentaire humanité dès lors qu’il est question de faire de l’argent. ID-7 n’est pas un virus mortel mais certaines actions qu’ils provoquent peuvent l’être mais la violence préexiste, elle est dans les rapports entre Derek et sa supérieure Kara Powell (Caroline Chikezie) qui veut le faire virer pour une erreur qu’elle a commise, la violence est aussi dans le mur d’indifférence face auquel se trouve Melanie quand elle essaie de faire valoir ses droits pour ne pas perdre sa maison. La violence réside aussi dans la réaction du patron du cabinet d’avocats quand John Towers (Steven Brand) apprend que ses locaux sont mis en quarantaine sa première ne va pas à ces employés potentiellement en danger mais au fait que ceux-ci ne seront pas en état de travailler comme d’habitude ce qui va lui faire perdre beaucoup d’argent. Il est pourtant bien placé pour savoir que cela peut très mal finir puisque son cabinet a défendu un salarié qui était poursuivi pour le meurtre d’un collègue. L’affaire plaider par nul autre que Derek avait abouti à l’acquittement du meurtrier reconnu irresponsable pénalement.
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Mayhem est une caricature. Le film grossit le trait mais cela ne prendrait pas s’il n’y avait pas une part de vrai dans son contenu. Et cette petite part de véracité passe largement par le personnage que joue Steven Yeun, Derek ce jeune avocat qui entre dans un cabinet réputé et qui avale les couleuvres qu’il faut avaler pour pouvoir monter. C’est un salaud ordinaire, un professionnel efficace qui fait très bien son travail. Un salaud modéré qui s’octroie quelques B.A., comme volé au secours d’une assistante maltraité par un autre avocat, pour ne pas devenir dingue mais qui ne va pas mettre sa carrière en péril pour autant. Il est jeune et ambitieux. Il a un prêt étudiant à rembourser. Il en a aussi bavé pour arriver où il est et il est difficile d’admettre qu’il a peut-être fait fausse route. Il peut d’autant plus facilement mettre ses scrupules de côté que pour lui ça marche. Jusqu’au jour où ça ne marche plus et où les magouilles d’une supérieure Kara ne finissent par lui coûter son poste.
Le conflit intérieur du personnage se retrouvent dans ses rapports avec son acolyte de circonstance qui est de moins en moins récalcitrante. Melanie vient dans les locaux de TSC, le cabinet d’avocats, parce qu’à cause de son prêt hypothécaire elle risque de se retrouver à la rue et que dans le grand océan d’irresponsabilité dans lequel évolue sa banque et le cabinet d’avocat pour lequel Derek travaille elle ne trouve personne pour l’aider à régler sa situation. Désespérée elle se fait passer pour une avocate. Le subterfuge fait long feu et elle se retrouve coincée elle aussi dans l’immeuble mis en quarantaine. Ses motivations sont plus claires, elle veut garder coûte que coûte sa maison, et elle n’évolue pas dans la même zone grise que Derek. Et personnellement je trouve qu’un personnage dont les trois groupes préférés sont Motörhead, D.R.I. et Anthrax à ses débuts ne peut pas être mauvais. Elle personnifie les classes populaires, leur impuissance face au système financier et aussi leur colère devant une injustice.
Le long métrage ne manque pas d’idée pour transcender des prémisses plutôt simples. On relève par exemple que les cadres supérieurs de ce cabinet d’avocat reçoivent des surnoms qui leur donnent un côté créature mythologique, il y a Kara la Sirène (celle qui murmure à l’oreille du patron) et il y a le D.R.H., Dallas Roberts, qui reçoit le sobriquet de la Faucheuse. Sa mort propre (en fait vraiment sale) est réjouissante. Derek Cho est un artiste qui s’est fourvoyé, le film est donc émaillé de ses œuvres qui donnent une patte presque heroic fantasy à cet univers par ailleurs très quotidien. Et il y a ce combat final entre Derek Cho, armé d’une clé à molette, une arme de prolo, et son patron cocaïné, John Towers qui est lui armé d’un club de golf, le bois avec lequel on frappe la balle très fort à chaque nouveau trou, une arme qui est le reflet de sa catégorie sociale. C’est évidemment très symbolique mais visuellement le message passe bien.
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Film social qui est le fruit de la crise de 2008, Mayhem n’oublie pas qu’il est aussi un film de genre et un divertissement. Le rouge coule à flot, Lynch fait en bon usage de la violence qu’il déploie à l’écran. S’il se laisse aller dans le gore, ce n’est pas une fin en soit, la mise à mort de Kara, hors champs permet au réalisateur de montrer les réactions très différentes de Mélanie qui jubile, pour elle c’est une ennemie de classe qui disparait comme dirait un marxiste, pour Derek c’est son plan qui tombe à l’eau.
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Côté divertissement Mayhem, en dépit de son budget modeste qui a contraint Joe Lynch a tourné une fois encore en Serbie, assure plutôt bien. D’abord parce que tous les immeubles de bureau du monde se ressemblent et qu’ensuite Mayhem est à l’exception de sa dernière scène un huis-clos qui utilise au mieux ses quelques décors. Le huis clos est toujours une bonne idée quand on n’a pas beaucoup de sous. Alors oui certains effets spéciaux trahissent la légèreté du budget mais le scénario ne laisse pas vraiment de temps mort et est assez bien écrit pour permettre à l’action de se déployer sans heurt tout en donnant une présence certaine à des personnages avec ce qu’il faut d’épaisseur pour ne pas être que des archétypes. Les acteurs sont investis et offrent des prestations variées qui reflète les différentes personnalités. Towers, le patron en fait juste assez pour ne pas en faire trop, alors que son associée Irenne Smyth (Kerry Fox la fille du trio de Petits meurtres entre amis) est plus froide et calculatrice.
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Mayhem est un film modeste mais qui mérite d’être vu et qui mérite de devenir un film culte. Un long métrage méchant, viscéral et drôle qui concilie à merveille son fond (la critique sociale) et sa forme celle d’un film gentiment gore et drôle.
R.V.