Promenons-nous
dans les bois
Les vilains chaperons rouges
Sorti en pleine vague de slasher Promenons-nous dans les bois fut la seule tentative française de capitaliser sur le succès de Scream, ce non sans une grosse ambiguïté
Réalisateur : Lionel Delplanque
Scénario : Annabelle Perrichon & Lionel Delplanque Distribution :
Pays : France Synopsis : Cinq comédiens qui galèrent sont embauchés pour donner une représentation unique devant un riche châtelain, Axel de Fersen, et son petit-fils, à l’occasion de l’anniversaire de l’enfant. Jeanne, Stéphane, Wilfried, Mathilde et Sophie, les cinq candidats sont me plus en plus mal à l’aise devant les excentricités de leur hôte et peut-être bien qu’ils n’auraient pas dû jouer leur version du Petit chaperon rouge. Celui-là je l’ai vu au cinéma à sa sortie ou presque. Je crois que c’était pendant la fête du cinéma, mais je n’en suis pas très sûr. Ce dont en revanche je suis certain c’est que ce Promenons-nous dans les bois, à sa découverte en salle, je ne l’ai pas aimé. Mais alors là pas du tout. Dix-neuf ans et quelques mois plus tard je n’écrirai pas que j’aime passionnément ce long métrage mais je comprends mieux pourquoi je l’ai tenu, à l’époque, en si piètre considération même si ce n’était fondé. Tout tient en deux points, d’abords une question d’a priori, un double préjugé sur ce que serait le film cumulé à un manque de culture criante en matière de cinéma et en particulier de cinéma fantastique et d’horreur.
|
|
En 2000 Promenons-nous dans les bois avait à mes yeux un défaut majeur, c’était un film français ce qui le faisait démarrer avec un handicap sévère. Un œil à notre sélection vous confirmera que l’on a toujours un problème à Du sang sur l’écran avec le cinéma d’horreur tricolore ce qui est un peu injuste. Mais le vrai gros a priori qui m’empêcha de pleinement savourer ce long métrage, ou plus précisément de l’évaluer à sa juste valeur, c’était que j’avais la tête farcie de slasher post Scream or Promenons-nous dans les bois n’est pas un slasher en tout cas pas comme pouvait l’être Urban Legend. En soi je n’ai pas détesté le film de Lionel Delplanque parce qu’il était mauvais mais parce qu’il décevait mes attentes. J’ai détesté Promenons-nous dans les bois parce que le spectacle que j’avais devant les yeux dans cette salle de cinéma lavalloise (était-ce au Maine ? était-ce au Théâtre ? comme la mémoire est fragile parfois) était trop différent de celui que je mettais fait, même sans trop y penser, avant le début de la séance. Pour ma plus grande déception Promenons-nous dans les bois ne fut pas Un souviens-toi… l’été dernier à la française.
On peut considérer que Promenons-nous dans les bois est bien un slasher français mais à condition de poser en préalable que le film revenait aux sources du genre, la fin des années 70, mais que cette influence ne masque pas celle plus fondamentale du giallo en général et singulièrement de la filmographie de Dario Argento or que savais-je de tout ça en 2000, à 17 ans et quelques mois ? Rien pour le giallo et si peu pour le slasher. On en apprend tous les jours et j’avais alors beaucoup de moins de jours qu’à l’heure où je tape ce texte. Voilà pourquoi 19 ans après je trouve Promenos-nous dans les bois plus attirant qu’en 2000. La réalisation de Delplanque ne manque pas de style et préserve le film de l’anodin. Plus giallo que slasher le long métrage crache ses influences transalpines dès sa scène d’ouverture, scène d’origine du Mal qui plante le décor pour le drame à venir. Promenons-nous dans les bois à cette qualité onirique, ce ton fantastique qui imprégnait l’œuvre D’Argento bien sûr mais aussi d’autres gialli comme Le Venin de la peur de Lucio Fulci avec la troublante Florinda Bolkan et la très belle Anita Strindberg ou certains efforts de Sergio Martino, L’Etrange vice de Mme Wardh et Toutes les couleurs du vice avec la sublime Edwige Fenech. Pour ne pas accablé d’avantage l’ados que j’étais, le même qui n’a pas été plus que ça impressionné par L’Exorciste (film que j’ai depuis bien réévalué), je confesserai que le goût mûri et que les juvéniles convictions s’étiolent. L’adolescence est cet âge béni où je me satisfaisais en matière d’horreur d’un nombre décent de crimes sanglants convenablement filmé, le tout enrobé dans un mystère qui donne de la contenance au jeu de massacre pelliculé. Si j’avais 17 ans à nouveau je trouverais sans doute Conjuring très bien et j’évaluerais la qualité d’un film d’épouvante à ses seuls jump scares. L’adolescence est un Eden dont on se fait chasser à coût de bottes dans le cul.
Promenons-nous dans les bois est un film qui n’est pas un chef‑d’œuvre il se contente d’être un film sympathique et ce n’est pas si mal. C’est un long métrage honnête, premier degré, pas post‑moderne pour un sou et c’est appréciable. La distribution est convaincante avec ces acteurs qui jouent les comédiens et dans le rôle des personnages inquiétants Denis Lavant en garde‑chasse et François Berléand en châtelain qui sait mettre mal à l’aise ses hôtes. Ils emportent le morceau malgré une Clotilde Couraut qui joue, Sophie, une très jolie lesbienne en couple avec Jeanne (Alexia Stresi) le genre de personnage qu’on ne voyait pas dans le slasher U.S. et dont la scène érotique et son point de vue voyeuriste est une autre réminiscence manifeste du giallo confirmant encore un peu plus le tropisme italien de Lionel Delplanque. Et il y a dans la scène d’ouverture, celle du trauma d’enfance, une Marie Trintignant qui est l’une des plus belles voix du cinéma français. J’avais oublié qu’elle jouait dans Promenons-nous dans les bois, bientôt elle prêterait cette voix un peu grave, sensuelle et si plaisamment alanguie à Bouche Dorée et à la comtesse Marina Seminova le temps de quelques adaptations animée de Corto Maltese et la vie finirait par être pire que la fiction.
Mais à l’été 2000 l’avenir était indéterminé et je n’aimais pas Promenons‑nous dans les bois pour une poignée de mauvaises raisons. Aujourd’hui, en cet automne 2019, je n’inclurai pas Promenons-nous dans les bois dans mon top 10 des films d’horreur/fantastique à voir avant de mourir mais il trouverait sa place dans un top 100 des films à redécouvrir, des longs métrages assez bons et intéressants pour éveiller l’intérêt d’un amateur d’épouvante en quête de productions différentes.
|
R.V.