Le retour des
morts-vivants
Plus de cerveau
Quand ce qui aurait pu n'être qu'une suite de The Night of The Living Dead, le classique de George Romero transcende son modèle pour à son tour s'imposer comme un classique du film de zombies
Titre original : The Return of The Living Dead
Réalisation : Dan O'Bannon Scénario : Dan O'Bannon Distribution :
Année : 1985 Synopsis : La veille du 4 juillet Frank Wison et Freddy Hanscom, deux employés d’une entreprise de fourniture de matériel médical, libèrent par erreur un gaz militaire toxique qui les intoxiquera et pire encore ramènera les morts à la vie.
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Avec le succès de La nuit des morts-vivants (1968) l’idée d’une suite ne pouvait que germer dans la tête des deux papas du long métrage George Romero, le réalisateur, et son coscénariste John A. Russo mais il n’en fut rien. Les deux hommes allèrent finalement chacun leur chemin. Romero retrouva les morts-vivants en 1978 avec Zombie. Quant au projet de Russo intitulé, donc, Le retour des morts-vivants (The Return of The Living Dead) il ne vit finalement pas le jour car le film aujourd’hui visible sous ce titre a vu son scénario profondément remanié par un Dan O’Bannon (responsable entre autres du scénario d’Alien, rien que ça) qui hérita du projet et de sa réalisation, sa première tentative derrière la caméra.
Le retour des morts-vivants eut donc une génèse mouvementée, ce qui n’est pas rare à Hollywood, sur laquelle il n’est guère utile de revenir d’avantage car ce qui est primordial ici c’est que ce long métrage s’est donné tous les moyens pour être un film culte et qu’il a parfaitement accompli cette noble tâche.
D’abord en apportant du nouveau aux films de morts-vivants. C’est lui qui introduit chez les zombies/infectés ce goût pour les cerveaux qui marquât tant les esprits. C’est que le projet une fois débarrasser des oripeaux de la suite de La nuit des morts-vivants devait se démarquer le plus possible du film séminal de Romero. Le retour des morts-vivants devint donc autre chose et trouva une voie qui lui était propre. Or comment trouver mieux sa voie qu’en attaquant bille en tête le film qui pourrait faire de l’ombre à celui qu’on est en train de faire ? Ainsi au début du film, lors d’un dialogue il est explicitement fait mention du film de 1968, c’est un film que le jeune Freddy, un nouvel employé, a vu et qui serait basé sur des faits réels. Une façon de placer Le retour des morts-vivants dans une certaine continuité avant que les protagonistes ne découvrent pour leur plus grand désarroi que les morts-vivants auxquels ils font face ne s’arrête pas de bouger quand on leur tire dans la tête. Ce détail n’est pas si anecdotique, il renvoie La nuit des morts-vivants dans la fiction, ça nous dit aussi que ce n’est qu’un long métrage sur lequel on ne peut s’appuyer pour lutter contre une vraie menace zombie. En faisant cela Le retour des morts-vivants envoie son lointain parent dans le monde des contes et déjoue ce que le spectateur à de connivence avec ce genre de film.
Personne avec une peu de fierté n’aime se faire traiter de plagiaire ou de suiveur. Le film de Dan O’Bannon se démène pour proposer autre chose, le spectateur découvre donc des morts-vivants différents des zombies de Romero. Ils sont relativement fûtés ils peuvent tromper leurs victimes, ils tendent des embuscades à leurs proies enfin ils sont doués de la parole et conséquemment peuvent exprimer ce dont ils ont une envie pressante (des cerveaux) et de livrer leur point de vue sur la mort (ça fait vraiment très mal). Ces morts-vivants ont une humanité qui fait clairement défaut à la plupart de leurs congénères du petit comme du grand écran. Ils acquièrent, pour certain, une vraie personnalité et après la révélation de ce qui les motivent il est difficile de ne voir en eux que des créatures génériques juste bonnes à être exterminés.
D’ailleurs, sans trop en dévoiler sur l’intrigue, Dan O’Bannon ne met pas en scène la lutte des vivants contre des morts décérébrés qu’il semble possible de vaincre. Le réalisateur/scénariste sème les indices tout au long de son film que le combat est vain et la fin ironique, façon réaction en chaine, accroît comme rarement au cinéma cette impression de vacuité de la lutte contre les morts-vivants.
L’autre aspect marquant du film est qu’il s’inscrit admirablement dans son époque, les années 80 sans pour autant être trop daté. Cette inscription est à la fois dirons-nous temporelle, l’action se passe dans les années 80 avec une bande de punks d’époque qui écoutent très fort sur leur ghetto blaster du T.S.O.L. ou les bien nommés Flesheaters et ont des costumes comme ceux que l’on voit dans les séries ou les films de l’époque. Surtout le film possède un ton particulier qui renvoie à d’autres œuvres horrifiques de l’époque (, …). Ce ton c’est celui de films qui parvenaient à concilier épouvante et humour (celui familial du slap-stick et des cartoons pour Evil Dead, celui très noir de Re-Animator). C’est le ton singulier de productions qui tout en prenant le genre au sérieux sont capables de vous arracher un éclat de rire entre deux séquences d’effroi ou de répulsion. Ici l’effroi passe par l’empathie que le scénario et la réalisation créent avec les personnages qui ne sont pas que des accessoires scénaristiques et de la chair à canon filmique pour un grand jeu de massacre et aussi par le design de certains morts indociles (l’homme goudron, la femme tronc…) qui atteignent leur but, créer un doux malaise.
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On s’attache à ses personnages bien campés et qui ont une épaisseur qui trahit peut-être la patte de Dan O’Bannon (repensons à la façon dont chaque membre du Nostromo est bien servi par le scénario d’Alien, le huitième passager). On repense à Tina (Beverly Randolph) la petite copine de Fredd (James Karen) qui s’occupe de lui jusqu’au dernier instant, un moment rare dans le cinéma d’épouvante et qui échappe malgré tout à l’écueil de la guimauve la plus dégoulinante. Quant au personnage de Trash elle connait un destin horrible en prophétisant ce qui pour elle serait la pire des morts.
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Autre marque de son temps le film a un ton léger et ironique. Il est même volontiers sardonique avec son dénouement nihiliste. Le long métrage vise la distraction avant toutes choses. Le film en rajoute dans le sexy et la provocation avec la danse macabre mais sexy de Trash au milieu des tombes sans tombé dans les outrances des bandes d’exploitation des années 70. Il lorgne également du côté de la bande dessiné avec des personnages facilement identifiables tant de part leur costume que part les couleurs qu’ils portent.
Le film est et demeure culte parce que malgré ses défauts et les aléas du processus créatif qui l’a amené au monde il s’agit d’un bon film, d’un divertissement d’une grande qualité, d’un spectacle vif, drôle et terriblement humain. Et que ça B.O., facilement trouvable, inclue The Damned (ces anglais furent les premiers punks d’outre-Manche à graver un 45 tours), The Cramps qui étaient faits pour qu’une de leur chanson figure dans un film de morts-vivants, le dérangé Rocky Erickson vétéran du rock garage et du psychédélisme U.S. et on en passe.
R.V.