Le venin
de la peur
Fantasmes
Thriller grand bourgeois onirique avec des giclés gore et whodunit alangui aussi bien qu’halluciné,Le venin de la peur est une des réussites du grand Lucio Fulcio
Titre original : La lucertola con la pelle di donna
Réalisateur : Lucio Fulci Scénario : Lucio Fulci, Roberto Gianviti, José Luis Martínez Mollá d'après une histoire de Lucio Fulci et Roberto Gianviti Distribution :
Pays : Italie-Espagne-France Synopsis : Carol Hammond rêve de sa voisine et des orgie que cette dernière, Julia Durer, organise dans son appartement. Elle rêve même qu'elle l'assassine alors quand Julia finit bien par être tuée chez elle et que la police mène l'enquête Carol est la suspecte idéale. |
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Le venin de la peur (titre retenu pour l’édition DVD/Bluray chez Studiocanal/Le chat qui fume) est sorti en Italie en 1971 sous le titre mystérieux Una lucertola con la pele di dona, un lézard avec la peau d’une femme. Cette coproduction franco-hispano-italienne fut montrée en France sous des titres comme Carol, du nom de son héroïne, c’est simple et direct mais la poésie du titre original s’est perdu en chemin. C’est également perdu en chemin la référence à cette mode des titres animaliers pour les Giallo, comme La queue du scorpion ou Quatre mouches de velours gris de Dario Argento. Ce titre vaut cependant toujours mieux que le très vilain Les salopes vont en enfer qui est effroyable de misogynie racoleuse. Le venin de la peur est un titre qui retrouve une forme de poésie qui sied à merveille à un film venimeux en diable servi par une musique du maestro Ennio Morricone.
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Attardons-nous sur cette musique composée par le grand Morricone. Une B.O. bruitiste par moment, charnelle et sensuelle à d’autre qui donne l’impression d’entendre un genre de jazz psychédélique qui dit tout de la sophistication du film comme de ses atours oniriques et de sa décrépitude morale.
Pour ce film centré autour du personnage de Carol Hammond incarné par l’actrice brésilienne qui fit carrière en Italie Florinda Bolkan, Lucio Fulci tourne une suite de scènes qui brouille la frontière entre le rêve et la réalité. Au côté de la volcanique Florinda Bolkan, que le réalisateur retrouvera dans La longue nuit de l’exorcisme, on découvre celui de Julia Dürer joué par l’actrice suédoise Anita Strindberg (Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado, La queue du scorpion de Sergio Martino) en fausse blonde hitchcockienne. C’est l’assassinat de cette dernière qui en constitue la trame de l’intrigue. A ce duo féminin qui joue le froid et le feu, sans que les rôles soient figés, s’ajoute le Français Jean Sorel, il est Frank Hammond le mari infidèle et surtout indifférent de Carol. Autour de ce trio gravite la belle-fille de Carol qui n’apprécie que fort peu sa belle-mère et le père de Carol un avocat qui se lance dans la politique.
Lucio Fulci filme avec toute l’étrangeté possible ce panier de crabes de la grande bourgeoisie que vient secouer le meurtre de Julia Dürer et surtout l’évolution de la société. Le réalisateur n’est pas tendre avec les figures de la contre-culture que l’on croise ça et là. Ces hippies aux mœurs dissolues qui se livrent à des orgies pendant que la famille Hammond dine bien sagement. Ces hippies vénaux et qui font de piètres criminels n’ont pas les faveurs de Fulci mais c’est vis-à-vis de la bourgeoisie qu’il a la dent la plus dure.
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La bonne société est misogyne, frustrée sexuellement ou sentimentalement, elle est mesquine et moralement hypocrite. Les Hammond sont pétris de conventions sociales qui les oppressent. Le mariage de Frank et Carol est comme on le comprend moins une affaire d’amour que d’intérêts pour les époux. Des intérêts qui sont si contradictoires que ces personnages s’échinent à embrouiller l’enquête policière.
Le venin de la peur n’est pas un giallo comme les autres. S’il partage avec le genre un côté thriller avec une enquête policière et une contre-enquête clandestine, des personnages issus de la (grande) bourgeoisie, une bonne dose de scènes sexy et de la violence sanguinolente il échappe cependant largement aux canons du genre comme le fera mais pour des raisons différentes La longue nuit de l’exorcisme. Dans ce film de Lucio Fulci donc pas de tueur fétichiste (gants et arme blanche) qui commet une série de meurtres ritualisés comme il est d’usage dans le genre. C’est un film de machination pas de tueur en série ce qui se traduit par le fait que celle qui aurait dû être l’héroïne ne l’est pas.
Bien qu’en marge du giallo et bien que très en retrait par rapport aux explosions de gore de L’enfer des zombies du même Lucio Fulci, le long métrage a quelques séquences propres à ravir les amateurs de gore comme celle du meurtre filmé en gros plan ou celle cauchemardesque des chiens disséqués qui valut un procès au réalisateur car une association de défense des animaux avait cru qu’il s’agissait de vrais canidés qu’on avait torturé. Il fallut une démonstration du responsable des effets spéciaux Carlo Rambaldi (qui n’avait pas encore le créé E.T. pour Stephen Spielberg) pour que Lucio Fulci soit acquitté.
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Pour la petite histoire Florinda Bolkan l’interprète de Carole cette grande bourgeoise qui ne sait que faire de son homosexualité sortira des années plus tard du placard et reconnaîtra entretenir une relation de longue date avec la productrice italienne Marina Cicogna.
Film venimeux et corrosif Le venin de la peur est une pierre noire jetée dans le marigot du giallo. Film troublant Le venin de la peur est de ces films qui font aimer le cinéma de genre des années 70 et qui font regretter que le cinéma transalpin n’est plus aujourd’hui que le fantôme de l’ombre de celui qu’il fut avant les années 80.
R.V.
Pour plus de gialli voir cette sélection qui n’est pas exhaustive, loin de là :
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – La Queue du scorpion – Le Tueur à L’orchidée – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Spasmo – Torso – Toutes les couleurs du vice
Chats rouges dans un labyrinthe de verre – Je suis vivant ! - L’Etrange vice de Madame Wardh – L’Eventreur de New York – La Lame infernale – La Longue nuit de l’exorcisme – La Queue du scorpion – Le Tueur à L’orchidée – Les Rendez-vous de Satan – Mais qu’avez-vous fait à Solange ? – Nue pour l’assassin – Six Femmes pour l’assassin – Spasmo – Torso – Toutes les couleurs du vice